Histoires vraies de la Cabucelle
Le projet
Pendant un mois, l’écrivain et dramaturge algérien Mohamed Kacimi, accompagné de l’illustrateur Benoît Guillaume ont été accueillis en résidence à Marseille, au plus proche des résidents des logements Viala, en vue de participer à la vie de la communauté et de collecter leurs histoires vraies.
Les logements du boulevard Viala, dans le quartier de la Cabucelle à Marseille, sont gérés par l’association Alotra. Créée en 1954, elle gérait essentiellement des foyers de travailleurs migrants avant d’évoluer dans les années 2000 vers le logement des personnes précaires et des fonctionnaires. Il y a donc un public diversifié au sein des différents bâtiments de l’association qui loge 5500 personnes, dont la plupart en région PACA.
Toutes les Histoires vraies de la Cabucelle
Marseille, par Mohamed Kacimi
📃 Durant un mois, Benoît Guillaume et moi, nous avons sillonné ce quartier, rencontré ses habitants, chibanis, dockers, assistantes sociales, anciens ouvriers des raffineries Saint Louis. Un parcours passionnant dans une ville, ou un village, qui a connu la prospérité avec les grandes industries d’huile, de savon, et qui tombe désormais en ruines et se transforme de jour en jour en ghetto…
L’immigration à Marseille, par Nadia
📃 À la Cabucelle, il y avait un noyau villageois avec tous les immigrés qui venaient d’Algérie. Il y avait très peu de Tunisiens, pas de Marocains. Le quartier regroupait beaucoup d’usines, la raffinerie Saint-Louis, les huileries, l’usine de conditionnement des dattes, les abattoirs…
La totale, par Farid
📃 Je suis né à Marseille, ma famille venait des Aurès d’Algérie, c’est entre Gap et l’Afghanistan. Je suis fier d’être né en France. Je me suis retrouvé à Cannes, puis dans la grande parfumerie de Grasse. J’ai tout arrêté d’un coup, le jour des attentats du 11 septembre…
Je n’ai jamais pris une seule épine, par Rahal
📃 Nous étions enfants, l’armée française nous poussait d’un côté et le FLN de l’autre. On savait pas où foutre de la tête. Si tu suivais les Français, le FLN t’égorgeait, si tu suivais le FLN, les Français ils te guillotinaient. À un moment j’en ai eu marre, je me suis sauvé à Alger
J’étais harki, par Mohamed
📃 J’étais de Harrouch, pas loin de Skikda. Je me souviens de rien. J’étais harki. Tu connais le 4e RIMa ? C’est le Régiment d’infanterie et de marine, j’étais dans ce régiment. Je me suis engagé tout seul à dix-huit ans. Mon père avait servi dans l’armée française, mon grand-père aussi…
Une vie de fuite, par Pascal
📃 Je jouais dans un orchestre de boîte de nuit à Tana, au Madagascar. On était très connus et un soir il y a un mec, il s’appelait Papagio, c’était un petit gros, qui arrive et qui me dit : « Vous êtes supers, je vais vous inviter chez moi. J’ai une boîte de nuit à Mayotte, vous allez rouler sur l’or ! »…
Un mariage regretté, par Nassiba
📃 Je suis d’Alger, nous sommes originaires de Mostaganem. J’ai quitté l’Algérie en 1989 pour rejoindre mon mari. Il était déjà marié et il a perdu sa femme. Il voulait une femme algéroise. Je me suis mariée, je ne sais pas comment, et je l’ai suivi sans savoir ce qui m’attendait…
Si t’es pas content, tu rentres dans ton pays, par Harzeli
📃 Moi, pour aller en France, je ne savais rien. En 1973, j’ai pris le bateau de Tunis. C’était pas un bateau, le bateau était un wagon à bestiaux, sans chaises, rempli de fumier. J’ai débarqué à la Joliette, et à la Joliette, je me suis senti étranger…
Le soleil de Marseille, par Chentouf
📃 Je viens de Larache, du côté d’Assila au Maroc, nous sommes des montagnards, des villageois, une région pauvre du Rif. Je suis allé très jeune à Tanger, j’ai commencé à bosser dans les années soixante, j’avais dix-huit ans. J’ai vécu à Rabat quatre ans, je bossais comme serveur, comme garçon dans les cafés…
On vivait comme des rois, par Saïd
📃 Quand la guerre d’Algérie a commencé, les soldats français sont arrivés. Ils ont vidé toutes nos silos creusés dans la montagne des Aurès : neuf réserves, je les ai comptées. Neuf silos profonds de plusieurs mètres. J’avais quatorze ans, les soldats français ont volé tout le blé…
Les docks de Marseille, par Lucien
📃 Quand j’ai commencé à travailler sur le port de Marseille en 1947, on était six mille dockers. Je vais vous dire, on a fait une grande grève et quand on a fini la grève, le patron il a dit : « Je ne vous mets pas à la quinzaine je vous mets à la journée »…