Une histoire collectée le 30 mars 2018 à Revest-Saint-Martin
Transcription de l’histoire audio
“ C’était un samedi matin, j’étais à la mairie et le téléphone sonne. Ghislaine me dit : « Roger n’a plus d’eau ». Il n’y avait pas eu d’eau de toute la semaine et ça continuait. Évidemment, il n’y avait personne d’autre que moi et Denis. On part, on monte avec des bidons d’eau et on se dit : « On va voir Roger mais qu’est-ce qu’on va pouvoir faire ? ». On s’occupe de son eau, on entendait un vague glouglou qui semblait venir de loin. Bon, on lui laisse les bidons d’eau même s’il n’en voulait pas. Je lui dit de me recontacter pour me dire où ça en est. On papote deux minutes pour demander des nouvelles de la famille.
C’est vraiment pas un gars qui est très expressif. Il vient à la mairie très rarement. Quand il vous fait un compliment, vous le prenez vraiment comme un compliment. Et ce jour là, il me dit : « C’est super ce que vous faites, tout ce que tu fais pour le Revest, c’est très bien, le bachasse… ».
– « Le bachasse ? »
– « Oui, vous avez refait le bachasse. »
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Le bachasse, c’est notre fontaine. Et notre fontaine elle n’a pas coulé pendant un an parce que l’aven qui alimentait la source a été détourné par un forage. Cette fontaine, pour moi, c’était mon oncle. Mon oncle Marcel, sur sa mobylette, il partait de La Blache, il allait à Forcalquier avec sa mobylette. Quand il revenait de Forcalquier, il s’arrêtait au bachasse et dans sa mobylette, il avait le pastis. Donc, il faisait son pastis. Il prenait l’eau du bachasse, à température, pas besoin de glaçons, parfaite ! Et donc pour moi le bachasse, ça toujours été ça. On arrivait en voiture et je voyais mon oncle au bachasse.
Donc le bachasse coulait plus et au bout d’un an, on a trouvé une solution pour alimenter le bachasse avec une eau de source. Pour moi c’était une grande victoire de mon mandat, parce que de mémoire d’habitants, le bachasse a toujours coulé. Même si c’était plus fin qu’un doigt, il avait toujours coulé. Et là, pendant un an, plus d’eau !
J’étais allée acheter pour fêter ça des lavandes, et deux oliviers, on m’en a volé un. D’ailleurs, tout le conseil municipal a dû recevoir un message à 5h30 ou 6h du matin pour leur dire : « L’eau coule ! », parce que j’étais super contente. Et l’année dernière, on décide d’embellir le bachasse en faisant un doublage en pierres sur le béton. Les agents font le travail.
Et je reviens à mon histoire chez Roger, ce fameux samedi et il me dit :
– « Le bachasse c’est super ! »
– « Les pierres ? »
– « Oui les pierres. En plus, tu sais, le bachasse, c’était ton père. »
– Je le regarde. « Quoi ? »
– « Oui le bachasse, La fontaine, c’est ton père qui l’a faite. Voilà ! »
Et mon père je l’ai pas connu, parce qu’il est mort quand j’avais deux ans. Et pour moi, ça me fait toujours bizarre d’entendre parler de ça. Il me dit : « Tu vois, tu as fait quelque chose de bien ». Donc moi, j’étais dans le même état que maintenant. J’étais super émue. Et je mettais à ce moment-là à l’honneur des gens qui ont fait l’histoire du Revest, alors on a mis à l’honneur Monsieur Raspail, qui a été maire pendant 37 ans, Pierre Magnan qui a une plaque sur sa maison, Daniel Pala qui était maçon et qui a réhabilité l’église et le père de Dédé qui est à l’origine du réseau d’eau.
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Chaque fois, on dit : « Il faut qu’on fasse la plaque en l’honneur du père de Dédé, mais où on va la mettre ? ». Plusieurs fois, Chantal elle me dit : « On va la mettre au bachasse ». Pour moi, le bachasse c’est mon oncle quelque part et c’est pas là qu’il faut le mettre. Et ce que m’a dit Roger ce jour-là, ça m’a conforté sur le fait que le bachasse restera le bachasse et il n’y aura pas de plaque dessus. Quelque part, c’était un peu une boucle parce que pour tout vous dire, mon père avant de mourir, il a été maire aussi. Peu de temps, mais il a été maire. ”
Nadine