Histoires vraies du Haut-Jura

Ta mère en slip dans la fontaine, par Céline

21 mars 2021

Temps de lecture : 4 minutes

Une histoire collectée en mars 2021.

 

Transcription de l’histoire audio

Plusieurs moloks semi-enterrés.

J’habite un petit village du Haut-Jura qui s’appelle Septmoncel et cette histoire s’y est passée en 2015, il me semble. À l’époque je tenais un gîte et donc j’avais une paire de chèques à encaisser du fait des locations, et c’est un jour où j’avais vraiment fait un grand ménage de printemps. Donc j’avais la voiture pleine de poubelles, de vêtements à mettre à la benne et j’avais bourré les sacs à mettre dans les différents endroits aux poubelles. Chez nous on appelle ces poubelles des moloks, c’est comme des grandes bennes, des grands containers qui sont enterrés et on jette à travers une petite entaille qui fait à peu près 20 sur 40 cm.

Je partais au travail, donc j’étais habillée normalement, je crois même que j’avais fait un effort ce jour-là. Je m’arrête donc aux moloks et je benne toutes les poubelles que je pouvais avoir dans ma voiture, notamment la corbeille de papier qui s’était répandue partout sur le siège passager et où j’avais bien mis à l’abri ma dizaine de chèques. Il y en avait pour une somme de 1500 euros il me semble. Au moment où je remonte dans ma voiture et où je m’apprête à redémarrer, la vision de mes chèques disparus me saute à l’œil et je réalise que dans mon élan de folie j’avais tout mis à l’intérieur, tout jeté dans les moloks sans trop réfléchir.

Je suis retournée à travers l’ouverture des poubelles et puis je me suis dit que puisqu’ils sont au fond, il va falloir y aller. À ce moment-là, un voisin, Sylvain, passe alors que j’étais quand même en mode un peu speed, un peu paniquée : «Ah ! Mes chèques sont au fond de la benne ! Il faut faire vite. ». J’arrête Sylvain, je lui explique en deux mots et je lui demande son aide. Et en fait je lui ai pas trop laissé le choix, donc il a approuvé. Je n’allais quand même pas rentrer dans la poubelle en étant tout habillée, donc j’ai enlevé ma jupe et j’ai enlevé mon débardeur. Je me suis retrouvée en soutien-gorge et en slip dans la grande rue face aux poubelles.

Et me voilà donc en train d’enjamber la petite fente pour aller à l’intérieur du molok. Le truc, c’est que du coup j’étais en appui sur mes avant-bras dans cette petite entaille et si je lâchais mes bras, j’allais glisser complètement. J’allais tomber en me faisant mal à l’intérieur. J’ai donc demandé à Sylvain, mon voisin, de bien me prendre au niveau de la poitrine pour qu’il m’aide à descendre tout doucement à l’intérieur des poubelles. Je lui dit : « Sylvain ! Allez prends-moi fort ! Tiens moi bien ! ». Me voilà au fond du molok, et là il fallait avoir une certaine stratégie de tri pour pas tout retourner : je me suis mise d’un côté et j’ai pris tout ce que j’avais à gauche et j’ai passé ça sur la droite. C’était du recyclable, donc c’était pas au milieu des déchets tout venant. C’était finalement assez propre parce que ce sont des emballages, des cartons…

À force de procéder avec cette stratégie, je vois ma liasse de chèques à mes pieds que je brandis en sautant de joie au fond du molok. Je regarde Sylvain en disant : « C’est bon ! C’est bon ! Je les ai ! Victoire ! ». Je lui passe et maintenant il s’agissait de sortir de ce trou. Là, Sylvain me dit : « Céline, ne bouge pas, je vais aller au village chercher une échelle et je reviens tout de suite. » Sauf que j’ai réalisé la tournure de l’événement et j’ai dit : « Mais non Sylvain, tu peux pas me laisser là au fond du molok ! ». J’avais vraiment l’impression d’être au fond du puits comme dans le film Le Silence des agneaux et ça me faisait plus du tout rigoler d’être au fond. Il me dit : « Écoute, je sais pas trop comment je vais pouvoir t’aider à sortir. »

L’entaille était toute petite, j’avais réussi à rentrer mais vraiment juste. Là, dans un effort un peu athlétique, j’ai sauté pour réussir à saisir une barre qu’on devine quand on est à l’intérieur de la poubelle, et après il a fallu que je fasse une sorte de pirouette de manière à ressortir mes jambes à la verticale. Et Sylvain a pu les prendre et me ressortir en étant à l’envers, comme si je faisais le poirier mais dans le vide ! C’était la manière de sortir du molok, les jambes en premier jusqu’à me retrouver au niveau de cette fente à refaire passer mes fesses, cette fois-ci en sens inverse. Je sentais du coup ma petite culotte qui remontait au fur et à mesure que j’essayais de passer mon bassin et mon ventre.

Moi, je suis sage-femme et c’est très marrant parce que pour pouvoir passer dans cette fente de 20 cm de largeur, il a vraiment fallu faire des mouvements de bassin d’ante-version et de rétro-version comme un bébé qui sort sa tête et avec laquelle on peut faire des mouvements droite-gauche latéraux pour l’aider à sortir. C’était une sorte de naissance, voilà. J’étais tellement contente d’être en plein air, au soleil, que j’ai bondi de joie dans la rue en prenant Sylvain : c’était formidable !

Dans la minute qui a suivi, je me suis senti soudain bien sale, comme je sortais de la poubelle et que j’allais travailler. Dans la continuité de mon élan, il y avait une fontaine un peu plus loin dans le centre du village, donc j’ai avancé jusqu’à la fontaine et là je me suis lavée. Sylvain a halluciné complètement parce que déjà je suis rentrée dans une poubelle, j’en suis ressortie grâce à lui et après je me lave dans la fontaine. On en rigole encore parce que du coup maintenant l’insulte suprême c’est : « Ta mère en slibard dans la fontaine du village ».

Céline