Histoires vraies de Haute-Provence

L’indien de Bauduen, par Luc

14 novembre 2020

Temps de lecture : 2 minutes


Une histoire collectée le 23 mars 2018 à Lurs

Dessin de Fanny Blanc illustrant l’histoire et parue dans La Provence.

Transcription de l’histoire audio

J’ai vécu quasi 40 ans dans un petit hameau où j’ai élevé des chèvres. L’habitation, c’était vraiment succinct, y’avait une cuisine avec une alcôve. Ma compagne était absente, et moi j’étais devant le poêle. C’était l’hiver, y’avait de la neige partout, et d’un seul coup, on frappe à la porte. J’étais dans un hameau un peu isolé, en face de Sainte-Croix, à Bauduen.

Je vais ouvrir, et là il y avait un type qui était en face de moi, il était très grand, barbu sous la neige avec un gros manteau et il me dit : « Est-ce que je peux rentrer ? ». Je lui dis : « Bien sûr, entrez ». Il rentre, je lui tire une chaise devant le poêle. Pas tellement bavard. Je me disais  : « il est un peu bizarre quand même… » et puis à un moment donné, il se met à sortir des mégots de sa poche et il les déroule et puis il sort des morceaux de papier journal et il se roule une clope, il prend le papier journal et pfff, il se met à fumer, là comme ça… moi je fumais aussi à l’époque, mais du tabac normal, pas comme son truc ! Le type il tirait allègrement là-dessus. On finit par discuter un peu et il me dit qu’il était à moitié indien, que sa mère était indienne, qu’il venait des États-Unis, qu’il était né sur le bateau en venant des États-Unis et qu’il aimait pas du tout les visages pâles…

Alors là, tu vois, perdu dans un hameau avec un mec comme ça devant le poêle, qui se roule des pétards… Je dis : « ouh ! nom de dieu, ça va aller où ça ? » Il était vraiment remonté contre le visage pâle ! Mais il ne m’a pas scalpé, rien du tout, mais, putain, à un moment donné, je me suis dit : « qu’est-ce qui m’arrive ? » Il a mangé avec nous. À l’époque, y’avait juste la pièce avec l’alcôve, il n’y avait pas de place dans la maison, y’avait juste une grange.  Alors je lui dis : « Si tu veux, tu vas dormir dans le foin, mais surtout, tu roules pas tes pétards. » Et le lendemain matin, il est venu boire le café, il a repris la route.

Après j’ai vu des collègues de Marseille, de la SNCF, qui m’ont dit que c’était un clochard de Marseille, qui était monté, ou qu’on avait été lâché par là et qui était paumé.

C’était assez marrant, mais sur le coup, j’ai eu les traquettes, je me suis dit « ouh là là… il va me scalper ! »

Luc