Source de vie

23 juin 2013

Temps de lecture : 4 minutes

Début des années 1970 mes parents ont fait l’acquisition d’un terrain « constructible » à la Roquebrussanne.
Après avoir sillonné de nombreuses années dans la région, en s’éloignant toujours un peu plus de la côte où ils passaient leurs vacances d’enseignant chez le frère de mon papa, ils trouvèrent enfin le petit coin de terre qui hantait leurs rêves. Adossé à la colline dans le quartier du moulin, il fait face au panorama journalier qui va de la montagne de la Loube au rocher de la chapelle en passant par le Pas de la Nible. Ce cirque rocheux nous offre en spectacle, certains soirs, sa dentelle rougissant sous le feu des rayons du soleil qui se couche derrière le plateau d’Agnis.
Constructible dites-vous ?
S’il est vrai que ce terrain rentrait dans les rêves mais aussi dans les moyens financiers de mes parents, il n’en était pas pour autant garni de tous les atouts nécessaires à la construction d’un petit chez soi dans le respect des normes imposées pour l’obtention du fameux Permis de construire !
Un terrain constructible à condition d’avoir un accès carrossable de 4 mètres de largeur pour permettre l’intervention des pompiers en cas d’incendie, un branchement à l’eau potable pour satisfaire les besoins quotidiens d’une famille de trois personnes et summum de la modernité, un branchement électrique en capacité de pouvoir faire actionner tous les robots de l’Homo œconomicus qui allait devenir Roquier d’adoption mais resterait toujours Belge de souche.
Bercés par les histoires et les balades dans les campagnes provençales à la recherche de leur « petit cabanon », mes parents ont voulu toucher l’authentique, ils ont voulu sentir et voir leur réalité de demain, ils ont rencontré, écouté et parlé avec les gens de là, avec les gens d’ici et ils ont été rassurés, ils ont voulu s’arrêter dans ce village qui déjà les avait accueillis.
Après un passage obligé, pour mon papa, chez le maire à qui il s’est présenté en tant que futur acquéreur d’un terrain sur la commune mais surtout en tant que futur citoyen désireux de connaître les us et coutumes des villageois, mes parents, rassurés d’être les bienvenus, ont finalisé les démarches leur permettant de se rapprocher encore un peu plus de leur rêve.
Ne remplissant alors aucune des conditions imposées pour l’obtention de ce permis de construire, mes parents ont dû se contenter d’une pergola qui leur servait d’abri au soleil pour recevoir les quelques amis et connaissances qui daignaient s’avancer si loin dans les terres du midi et qu’à l‘époque on était bien loin d’appeler la Provence verte. Vert pourtant le terrain était, recouvert de genêts – de vrais arbres- il fallait le nettoyer. Ce qui fut dit et ce qui fut fait ! Tant et si bien que la restanque du haut de notre terrain en terrasse avait facilement gagné quelques mètres et offrait un promontoire hors du commun pour admirer le paysage.
Alors que des amis nous rendaient visite, Bernard en admiration devant ce panorama naturel et également authentique disparut tout à coup, enseveli par les bouquets géants de genêts gisant à même le sol 2 mètres plus bas ! Eh oui, cette restanque improvisée avait une hauteur de 2 mètres et donna l’idée à mes parents de ne pas construire en hauteur mais de terrasser une cave avec en façade, une vue imprenable sur le cirque rocheux. Un cabanon sortait de terre tel un champignon pour y abriter famille et amis lors des longues veillées qui ont consolidé l’amitié et renforcé les liens avec les Roquiers de souche. L’Histoire pouvait commencer !!
« Un cabanon pas plus grand qu’un mouchoir de poche »
Donc, pas de chemin, pas d’eau et pas d’électricité… et pourtant… heureux !!!
Le sentier qui nous reliait à la civilisation s’appelait le Chemin de Sabatery. Il donnait tout droit sur l’avenue du portail et de là nous descendions au village pour nous ravitailler. Notre moyen de locomotion pour accéder à la propriété de mes parents ? La brouette ! En effet tous les matins pour se ravitailler en eau potable, les « nouveaux Roquiers » empruntaient ce chemin qui longe l’Issole à distance respectueuse. Nous passions à gué le ruisseau de l’amanon jusqu’à l’impasse de la petite fontaine au pied de la maison de Madame Reboul pour remplir notre dame-jeanne de ce nectar qui nous permettait de résister aux températures souvent caniculaires des mois d’été.
En attendant l’eau potable, nous pouvions heureusement compter sur le canal d’arrosage que mon papa avait domestiqué et capté dans une cuve de 1000 litres reliée au cabanon. Ce canal nous a permis de nous alimenter aux robinets en eau de service toute l’année.
Petit à petit les commodités sont arrivées jusqu’à nous pour disposer aujourd’hui de l’eau potable qui coule directement du robinet, pour profiter du chemin avec son pont et ses 4 mètres de largeur qui permettent un accès continu aux différentes propriétés qui se sont installées tout au long du chemin et pour disposer d’une énergie électrique-nucléaire à faible coût qui ne contribue toujours pas durablement à la transition énergétique.
Mais deux choses doivent être signalées pour que notre histoire reste ouverte sur l’Histoire !
La première est que bien des années après l’installation de la conduite d’eau arrivée du village et qui allait changer notre vie, Manu (notre Archéo-potier et ami) nous a indiqué « la » source ! En effet à 100 mètres de la maison, nous avons accès à une source d’eau potable qui coule toute l’année et qui alimente en eau potable tout le quartier côté route de Mazaugues. Pensez-vous que l’emplacement de cette source aurait pu être à l’époque divulgué à des « Estrangers du dehors » ? Nous avons dû mériter notre appartenance pour y avoir droit ! Il est vrai que pour le moment nous n’en avons plus besoin mais qu’en sera-t-il demain ? Pourrons-nous contribuer à protéger ce secret source de convoitise des investisseurs et des réquisitionneurs au service d’intérêts Bolkensteiniens illimités et tout dévoués au commerce – même du vivant et de l’art si possible !!!
La deuxième concerne notre canal d’arrosage qui nous a permis de vivre dans des conditions modestes mais néanmoins très accommodantes pendant ces années de bonheur où l’essentiel était connu et reconnu. Ce canal aujourd’hui et depuis un an est coupé ! Coupé par mépris des droits les plus élémentaires à des fins privées pour satisfaire quelques-uns au détriment des autres. Ce canal, source de vie pour tout un quartier, est coupé momentanément mais NON durablement .. rassurez-vous l’intérêt collectif doit résister et s’imposer devant l’intérêt individuel !!!!

Manon n’est plus ; son combat est toujours présent !!!!