Cette histoire se déroula lorsque j’avais 13 ans. J’étais alors en 3ème, dans une école française en Tunisie. C’était la veille de la rentrée, journée que je détestais au plus haut point, mais pas cette fois-ci. J’avais aperçu une fille très charmante, et je ne pouvais m’empêcher de la matter, en espérant qu’elle soit dans ma classe. Devinez quoi ? Elle y était. Les premiers jours passèrent tranquillement. Je me doutais bien qu’il fallait que j’aille lui parler un jour, mais j’avais peur. Fait étrange, je ne l’avais jamais vue sourire depuis son arrivée ici. Je décidai de me jeter à l’eau, un jour, à la pause repas. Elle s’asseyait seule, dans une table au fond, comme à son habitude. Je la rejoignis. Elle ne me prêta attention que lorsque je la saluai.
-Bonjour
-….
-ça va ?
-Pourquoi ça irait ?
Je m’étais tu. Nous déjeunâmes en silence. En temps normal, cela m’aurait démotivé, mais au contraire, cela me donnait plus envie de la connaitre.
Ainsi, tous les jours, je m’installai à ses côtés aux pauses déjeuners, et puis finalement à coté d’elle en cours.
Les jours continuèrent à passer. Je sentais que mes « amis » me lâchaient, jaloux. Le jour où j’ai eu ce sentiment, j’eus l’occasion de réentendre sa voix une deuxième fois.
-Pourquoi ?
-Pourquoi quoi ?
-Pourquoi tu traînes avec moi alors que tu peux aller t’amuser avec tes amis ?
-Bah, parce que j’en ai envie, quelle question.
-Mais, si tu continues ainsi, tu vas les perdre, et ça sera à cause de moi.
-Et alors ? Je me suis fixé comme but de te faire sourire, et je compte bien réussir !
12 octobre 2010 à 13h20, dans la cafétéria : Elle esquissa son premier sourire depuis sa venue à l’école.
Cette histoire ne s’arrête (malheureusement) pas là. Elle devint rapidement quelqu’un de très chère à mes yeux. Un jour, je lui demandai pourquoi elle réagissait ainsi avec les autres. Elle me répondit qu’elle ne voulait pas que l’on s’attache à elle, car elle n’en valait pas la peine et qu’elle allait uniquement leur faire du mal. En voulant savoir pourquoi elle disait cela, elle me raconta qu’elle avait perdu sa confiance en soi et en l’humanité depuis un moment tragique de sa vie qu’elle avait promis de me raconter, mais ce jour n’arrivera jamais.
-Et bien tu sais quoi ?! Je vais te rendre heureuse, tu vas voir, tu seras heureuse de vivre à nouveau et tu retrouveras confiance en toi et en l’humanité !
Jamais je n’avais vu un sourire aussi radieux et innocent que ce jour-là.
Peu de temps après, nous étions sortis ensemble. J’avais l’impression de comprendre à quel point ce sentiment appelé « amour » pouvait être jouissif. Nous ne pouvions nous arrêter de bavarder de tout et de rien, et nous rigolâmes tout le temps. Elle venait souvent chez moi, où je pouvais lui cuisiner des crêpes, regarder des animes avec elle, se parler en tête à tête et rêver de notre futur ensemble.
Un beau, jour, elle vint chez moi. Comme à mon habitude, je lui préparais des crêpes, mais ce jour-là, je la trouvais silencieuse. En voulant savoir pourquoi, elle me répondit qu’elle se sentait mal, et qu’elle voulait sortir prendre l’air. Elle se leva pour subitement collapser au sol, inerte. Je ne savais pas ce qui se passait. Je m’agenouillai, en la secouant, sans réponse. J’accourrai vers mes parents, les larmes aux yeux, tentant de prononcer des mots, mais rien ne sortit de ma bouche. Ils me suivirent, et la virent jonchée sur le sol. Ils appelèrent l’ambulance, qui l’emmena à l’hôpital. Mes parents me conduisirent aussitôt à l’hôpital. J’attendais entre ces murs, témoins de ma douleur. Jamais les secondes ne m’avaient parues aussi longues. Un docteur sortit de la salle d’urgence, le regard bas.
-Alors, elle va s’en tirer docteur ..?
-Malheureusement, son cœur était faible, elle n’a pas survécu.
Silence. Je sortis dehors, dans le froid, la nuit. Une rivière de larmes émanait de mes yeux, et il commença à pleuvoir. J’avais l’impression que le ciel pleurait sa perte avec moi.
Une fois de retour chez moi, je me dirigea vers la salle de bain, pris un rasoir et regarda les veines de ma main. Je voulais mettre un terme à ce malheur absurde, mais je me remémorais de cette phrase qu’elle avait prononcé un jour :
« Tout arrive dans un but bien précis. Toutes les tragédies et les malheurs ont un sens, ils mènent tous vers une fin idéale. Quand on y pense, il n’y a probablement pas de malheur absurde. »
Et me voici, condamné à « vivre », espérant pouvoir un jour connaître cette fin « idéale » dont elle rêvait.
15 décembre 2010, Repose en paix, Amandine.
Puisses-tu être heureuse là-haut.