Ce matin Port-Saïd ressemble à un fantôme, au Tramway nommé désir d’Elia Kazan, avec son architecture coloniale de larges terrasses boisées que l’hygiénisme de la fin du XIXe, basé sur les courants d’air, les flux, la circulation des miasmes, avait déclarées indispensables à la bonne santé des exploitants du canal de Suez.
Aujourd’hui les balcons sont mités, la plupart des appartements occupés par des familles pauvres, bénéficiant des loyers bloqués de l’époque Nasser. Les stucs et l’art-déco tombent en ruine, l’ambiance est lente et décrépie. Un décor de cinéma sépia.
Port-Saïd, de par son emplacement et depuis sa fondation a souffert de toutes les guerres, dont les deux dernières en 1967 puis 1973, qui l’ont vidé non seulement de tous ses étrangers ou presque (il reste quelques familles grecques, mais les 30 000 Italiens qui y vivaient sont tous partis), mais de beaucoup de ses habitants réfugiés au Caire ou ailleurs.
Je me suis assis pour boire un thé en face du magasin Orange de l’opérateur Mobinil, et le Khamsîne s’est levé. Le vendeur de journaux en Vespa zig-zaguait entre les taxis blancs, les yeux ensablés. Le soleil brillait bleu au-dessus de nous, au sommet de cette brume de poussière jaune, comme si les teintes s’étaient inversées : une boule bleu de ciel que perçait le soleil, dans un monde couleur chanvre, ou vieille paille, ou chaise de bistrot usée, un sapin mat et inquiétant.
Le Khamsîne à Port-Saïd (cliquer pour voir la vidéo)