Histoires vraies du Dedans

Foudroyés, par Koko

27 novembre 2021

Temps de lecture : 2 minutes

Cette histoire est tirée du volume 1 des Histoires vraies du dedans dans le cadre des ateliers menés en 2015-2016 dans les centres pénitentiaires des Baumettes à Marseille et Toulon-La Farlède, le centre de détention de Tarascon et à la Valentine, dans l’établissement pénitentiaire pour mineurs.


C’était en 2005, en septembre. On s’est retrouvés à plusieurs copains pour aller jouer au foot. Il y avait aussi des grands, plus âgés que nous. Quand on est partis, il faisait très beau, il y avait du soleil. Une demi-heure plus tard, ça s’est assombri et il s’est mis à pleuvoir, doucement. Soudain, la pluie s’est transformée en une averse violente mais nous, on continuait à jouer au foot.

Puis ça a commencé à tonner. Nous, on n’y faisait pas du tout attention. Puis il y a eu deux gros coups de tonnerre. Nous, toujours rien, on jouait. Au troisième coup de tonnerre, la foudre est tombée sur celui qui courait après la balle. Je suis très sérieux, c’est même passé dans le journal. La foudre est tombée pile sur lui. On est tous tombés. Tous ceux qui étaient sur le terrain.

Quand on est revenus à nous, lui, il était toujours par terre. Il soufflait, il n’était pas mort. Ses baskets étaient noires, complètement brûlées. Il était noir lui aussi. L’ambulance est arrivée. Il est mort peu de temps après. C’était un homme plus âgé que nous, nous on était tous jeunes, il devait avoir dans les cinquante ans, mais il n’était pas du genre à vous renvoyer dans les jupes de votre mère.

Un de mes amis qui se trouvait près de lui s’est mis à saigner du nez et vous aviez beau lui parler, il était ailleurs. Il était perturbé. C’était la tête. Des journalistes sont venus parler avec nous. Mais aucun de nous ne pouvait rien expliquer, on était tous sonnés. Et cet ami, surtout : pendant une semaine, on n’a pas pu lui adresser la parole, il ne parlait à personne, il ne mangeait plus rien.

Comme il était tout près de l’homme foudroyé, il a été touché lui aussi par l’éclair. Nous qui étions un peu plus loin, on s’est retrouvés fauchés, comment dire, comme quand vous faites tomber des cartes : on était comme des cartes qui s’écroulent toutes ensemble. Aujourd’hui encore, à Ghiroda, il y a une plaque pour que personne n’oublie son nom..

Koko, Marseille 2015. Traduit du roumain par Laure Hinckel.