Cette histoire est tirée du volume 1 des Histoires vraies du dedans dans le cadre des ateliers menés en 2015-2016 dans les centres pénitentiaires des Baumettes à Marseille et Toulon-La Farlède, le centre de détention de Tarascon et à la Valentine, dans l’établissement pénitentiaire pour mineurs.
J’étais à table, en Roumanie, à la maison, et je lisais le journal, j’avais une ciorba (soupe roumaine) devant moi. Arrive un Américain. J’étais avec mon journal et devant mon journal il y avait mon bol, avec ma ciorba. L’Américain, juste atterri de son Amérique, il avait faim, après tout ce voyage, et il commande. Et comme c’était sous le communisme en Roumanie, on vous servait pas bien, difficilement, tu attendais longtemps. L’Américain avait faim, faim, il a vu la ciorba, il a vu que je lisais le journal, il a mangé la ciorba. Il l’a mangée vite, et voilà qu’il arrive à la dernière cuiller et là, que trouve-t-il ? Un gros ver dans le fond du bol. Quand il le voit, il dégueule aussi sec, directement dans le bol. Alors je baisse mon journal et je lui dis : « Moi aussi j’y étais arrivé, au ver ! ».
Une autre : Un type jouait à la barboute avec Saint Pierre. Il lançait les dés et faisait toujours 1-1, 1-1, 1-1… Et d’un coup, il fait un 7-2.
Alors il dit : « Il se passe quoi grands dieux avec ce dé ? »
– « Pourquoi ? »
– « 7-2, ça fait un sacré tremblement de terre en Roumanie ! »
– « Mais c’est ce que donne le dé »
– Alors on entend du bruit à l’entrée du Paradis : « Eh, y a du monde à la porte, Saint Pierre ! »
– « Fais-les entrer »
– « Oui, mais ils sont 1650 ! »
– « Fais-les entrer quand même »
– « Oui, mais ils sont vraiment très nombreux ! 1650, en fait c’est seulement le décompte publié dans Scânteia (Journal officiel du Parti communiste roumain jusqu’en 1989) : on fait quoi avec les autres ? »
Comme quoi, même au Paradis ils ont jamais su combien de gens sont morts dans le tremblement de terre de 1977 !
Cascadorul, Tarascon 2016. Traduit du roumain par Laure Hinckel.