Histoires vraies de Haute-Provence

Enfant maltraité, par Noël

28 mars 2021

Temps de lecture : 2 minutes


Une histoire collectée le 30 mars 2018 à Revest-Saint-Martin

Transcription de l’histoire audio

Je suis pupille de la nation. J’ai été orphelin à l’âge de six ans, en 1944 donc. Et après j’ai atterri à l’orphelinat Saint-Martin à Digne. J’y suis resté un an, environ. Et après, l’orphelinat m’a placé en famille d’accueil. J’étais encore jeune : j’avais huit ans. Et on n’allait pas à l’école, j’allais garder les chèvres. C’est pas comme maintenant, où c’est très surveillé, mais avant ça ne l’était pas. Alors, j’allais garder les chèvres et je n’allais pas à l’école.

Je couchais dans une chambre où il n’y avait plus que le châssis de la fenêtre, mais plus de carreaux. Et, dans la vallée à Tournoux, près de Barcelonnette, les hivers sont rigoureux. Alors il est évident, comme on dit, je pissais au lit, voilà ! J’avais pas le biais, quand y avait le soleil, de mettre les draps à la fenêtre : l’idée ne me venait pas. Et ça fait que le soir, je recommençais. Je rentrais dans le lit, j’avais les draps qui étaient tendus de givre, évidemment. Ils étaient mouillés, bien sûr.

Et tous les matins, je descendais… C’était une vieille ferme et les chambres étaient à l’étage. Et je descendais avec les brailles à la main, comme on dit, et torse nu bien sûr. Et j’avais la bonne femme qui m’attendait derrière la porte de la cuisine, en bas, au rez-de-chaussée, avec les fouets de chevaux parce qu’elle savait que j’avais pissé au lit. Et c’était son remède quoi… qui m’a servi à rien, parce que ça continuait.

Quand j’ai été en vue d’adoption, des gens sont venus me voir. Le jour qui allaient venir, j’ai dit : « Je ne vais pas me laisser faire, parce que déjà je sais ce que je vis maintenant et qui sait sur quoi je vais tomber ». Et je me suis caché dans la grange, dans le foin, et puis finalement ils m’ont trouvé quand même parce qu’au bout d’un moment, le gamin de huit ans veut voir ce qu’il se passe. Ils m’ont trouvé.

Et puis après, j’ai été adopté là-haut. Ma mère adoptive, elle m’a pas adopté le jour même, bien sûr. Il y a des formalités à faire, quand même. Et elle passait des nuits à me panser le dos, parce que j’avais des croix de sang dans le dos. Le fouet avait marqué. Et ma mère adoptive m’a soigné, surtout pendant les premières nuits. Et je couchais dans une chambre qui était pas chauffée, mais il y avait des fenêtres complètes déjà. Et l’envie de pisser m’a passé comme ça, sans correction, ni traitement. Rien ! Ça m’a passé comme ça. Je dormais où il fallait et puis c’est tout.

Je suis resté un an et demi à l’orphelinat. C’est long un an et demi. Dans ma famille adoptive, alors là, j’étais bien. Je suis resté jusqu’à l’armée. Ma famille adoptive était à Maljasset, au bout de la vallée de l’Ubaye, commune de Saint-Paul-sur-Ubaye. Je ne sais pas si vous connaissez. Moi je connais parce que j’y ai habité.

Noël