Histoires vraies du Haut-Jura

Un diamant dans les toilettes, par Maryse

21 mars 2021

Temps de lecture : 3 minutes

Une histoire collectée en mars 2021.

 

Transcription de l’histoire audio

Je vais vous raconter une histoire de diamants. Mon père travaillait à la coopérative Le Diamant qui était l’une des plus grosses coopératives ouvrières diamantaires. Il y avait plusieurs sortes d’ouvriers : les polisseurs, les ébaucheurs… mais tous travaillaient sur de vrais diamants qui venaient en général d’Afrique du Sud. Ils avaient une méthode d’organisation qui était amusante, c’est-à-dire que ces ouvriers – qui étaient vraiment payés très peu, avaient des fortunes dans les mains toute la journée. Donc comment faire pour qu’un diamant ne glisse pas dans le revers du bleu de travail . Ne glisse pas dans la manche ? Ou ne glisse pas dans le plancher et que le gars le retrouve le lendemain ? Les pierres à tailler étaient consignées, c’est-à-dire qu’on donnait aux ouvriers un paquet de dix à tailler et ils le ramenaient au bureau.

Le système de coopérative faisait que tout le monde était à égalité, mais il y avait quand même un directeur élu, un secrétaire élu aussi et les gens du bureau étaient quand même un petit peu considérés comme des gens qui en faisaient moins que ceux qui étaient sur les machines à polir toute la journée. Quand ils avaient fini leur paquet, on appelait ça le paquet de pierres, les ouvriers le ramenait au bureau et il y avait une vérification à ce moment-là. Ils en prenait alors un autre et ils revenaient à leur place

Pour en savoir plus sur la coopérative : l’historique d’après les Archives Départementales du Jura. Avant la Première Guerre mondiale, elle employait 4500 personnes.

Un jour, un voisin d’établi de mon père avait taillé un gros diamant. Il n’en avait qu’un parce que c’était un gros, on savait que c’était lui qui le taillait. Il le ramenait et il avait ce jour-là un peu mal à la tête. Il va avec son diamant terminé au bureau, il le montre à la secrétaire et en même temps il dit : « J’ai mal à la tête ». La secrétaire lui dit : « Tu veux un aspirine ? ». Il répond par l’affirmative et elle lui donne une aspirine. Donc il avait le gros diamant dans sa main droite et l’aspirine dans sa main gauche. Il a avalé le diamant. Il s’était trompé de main.

Une autre histoire de diamants à Saint-Claude : Le petit passeur de diamants, par Alexandra

On sait qu’un diamant ne peut pas s’abîmer, ne peut pas se détruire et ne se taille que par lui-même, donc on sait qu’on va le retrouver deux ou trois jours plus tard dans ses selles. C’est ce qu’ils ont pensé tout de suite au bureau, parce qu’il avait avalé une fortune. Sauf que ce monsieur était un habitué des bars de Saint-Claude et quand il sortait du boulot, il allait au bistrot. Le problème c’est qu’il pouvait faire son diamant dans les toilettes de n’importe quel bistrot de la ville. Donc pendant les trois jours où le diamant est passé à travers tous ses intestins, il a été accompagné dans toutes ses tournées de bistrot par le directeur de la coopérative qui le suivait et qui veillait qu’il n’aille pas faire son diamant dans un bar public. Tout s’est bien passé, il n’a pas fait son diamant dans des toilettes publiques, il a fait son diamant chez lui. On a récupéré le diamant et mon père disait toujours : « Il brillait ! Il brillait ! ».

Une carte postale de Saint-Claude et son atelier de diamantaires.

Quand on te donne ton paquet de dix et que tu en perdais vraiment un – mon père en a perdu et ma mère en a retrouvé dans le bleu de travail ou dans la machine à laver, si c’était sans faire exprès tu payais la consigne qui n’avait rien à voir avec le prix du diamant, peut-être qu’à l’époque c’était 10 euros :  c’était une consigne. Sauf qu’un bon diamantaire, intelligent, doit perdre à peu près trois ou quatre diamants par an. C’est-à-dire qu’il doit payer une consigne mais en réalité il garde son diamant. Tout le monde ne le fait pas, il faut être un peu habile parce qu’il faut penser à beaucoup de choses. Non seulement il en perd un, mais il l’échange au cours de l’année. Donc il fait grossir son diamant et on dit qu’il engraisse son cochon : il fait grossir le diamant, il engraisse son cochon. À la fin d’une carrière d’ouvrier diamantaire, si tu as quand même bien réfléchi, tu dois avoir quelques diamants de côté pour ta famille. 

Maryse