Histoires vraies du Haut-Jura

Le jour où la guerre est passée sans nous prendre, par Georgette

21 mars 2021

Temps de lecture : 3 minutes

Une histoire collectée en mars 2021.

 

Transcription de l’histoire audio

Je m’appelle Georgette. Je me souviens de la dernière guerre, ça a débuté quand on était à la tombée de la nuit et le ciel était d’une drôle de couleur à un endroit qu’on ne voyait jamais. Mes parents disaient : « Ça, c’est signe de guerre ». On était en 1939. Après sont arrivées toutes ces histoires, des jeunes qui partaient en Allemagne, qui se cachaient…

On n’a jamais tellement connu la guerre, à part qu’il fallait faire attention à ce qu’on mangeait : des pommes de terre dans le pain pour que ça fasse plus de pain mais mon père était assez débrouillard pour nourrir sa famille. On était huit enfants, les deux parents, la grand-mère et le vieux commis : on était quand même 12 à table tous les jours. Alors j’ai toujours admiré ma mère comme elle se débrouillait et le père pour avoir fait à manger à tout ce monde. Un jour en 1944, on faisait les fous devant la maison avec les gamins : quand il y a un paquet de gamins, on fait les fous. C’est ça notre amusement parce qu’on a plein de jouets. On était heureux, on s’amusait, ça allait.

On voit d’un seul coup le village de la Pesse qui est encerclé par des bonhommes avec des fusils. On le voit parce qu’on était bien en face du village sur une maison qui est assez relevée, on voit les Allemands – on se dit que c’est pas les maquisards parce qu’ils n’encercleraient pas le village, qui encerclaient le village avec des fusils. On voit un avion qui arrive et qui lançait des petites bombes sur les voitures qui étaient entreposées dehors, les autres voitures étaient cachées sous les arbres. Celles qu’ils voyaient, ils les visaient bien : ça explosait tout de suite.

La Pesse sous la neige. P. Loste

Pour en savoir plus sur le maquis du Haut-Jura

Bon, le père a dit : « Rentrez chez vous ! ». Alors on était tous à faire les fous et puis d’un seul coup la joie est tombée d’un seul coup, on ne rigolait plus. On rentre et après arrivent des Allemands en face avec un canon, parce qu’on avait une montagne entre nous et la Pesse. Ils ont dirigé le canon du côté de la maison et il nous a dit : « Cachez-vous dans les coins de mur, pas en face des fenêtres ! ». S’ils vous visent en face des fenêtres, vous y avez droit. Et on attendait, bien cachés. Les Allemands descendent pour venir contre la maison.

Des maquisards du maquis du Haut-Jura. Crédit.

À 100 mètres de la maison, ceux qui étaient avec le canon sifflent. Les gens d’armes se rentournent. On n’a pas su pourquoi ils s’étaient rentournés, est-ce qu’ils avaient peur qu’il y ait des maquis ? J’en sais rien, mais toujours est-il qu’ils sont repartis, ils ont ramené leur canon et c’est là qu’ils avaient fait une rafle sur la Pesse, sans brûler rien du tout. Si, des maisons mais qui étaient plus loin.

Les jours d’avant, on avait vu tous les camions des maquis qui allaient se cacher à la borne au Lion. Des maquisards étaient passés chez nous, ils avaient apporté de la farine. Ils étaient venus chercher le pain à midi et le père il a dit : « Partez vite, parce qu’on sait pas si les Allemands vont arriver. ». Ils sont repartis avec dix miches de pain que le père leur avait fait. Ils nous donnaient un petit peu de farine en échange. C’est des petits moments de guerre, ils sont pas très grands, c’est toujours des angoisses mais il y en a qui ont vu autre chose, et c’était autre chose. Ceux qui ont été fusillés dans les maisons, c’était bien autre chose. Ça, à nos âges de 9-10 ans, on n’a pas la même imprimante des événements. Voilà mon petit passage de la guerre qui me reste dans la tête, il y en a qui ont pire, mais enfin c’est comme ça, c’est la vie.

Georgette