Une histoire collectée le 21 mars 2018 à L’Hospitalet
Transcription de l’histoire audio
“ Je travaillais en soins palliatifs – c’est les soins de fin de vie, et on accueillait beaucoup de gens jeunes parce que c’était pour le SIDA. On reçoit une personne qui s’appelait Michel et on accompagne ce gars, qui séjourne assez longtemps dans la structure. Pendant ce séjour, ce gars a rencontré la spiritualité, donc ça lui a transformé un petit peu sa fin de vie en le transformant lui. Comme c’est une structure très particulière où on côtoie les gens, on est vraiment très proches, ce n’est pas qu’une relation soignant-soigné. On est bien plus proches que ça, parce qu’on passe de nombreuses heures avec les mêmes personnes.
Un jour, il était vraiment très mal, c’était proche de la fin mais c’était pas encore ça. J’étais dans sa chambre, il me donne des disques, des CD. Il me dit : « Voilà, ça je veux que tu le gardes ». Et puis moi je sors, je vais boire un café et on vient me chercher, on me dit : « Il faut que tu remontes parce que Michel te réclame : il va mourir ».
– C’est une soignante qui me dit ça, alors je lui dis : « Qu’est-ce que tu racontes ? »
– Elle me répond : « Si si, il veut te voir parce qu’il dit qu’il va mourir et qu’il veut que tu sois là ».
– J’ai dit : « Mais j’en viens, j’étais avec lui ».
– Elle part, elle dit : « Bon, moi je te l’ai dit ».
– Je me dis : « Quand même, qu’est-ce que c’est que ce truc ? ». Je monte.
Il avait sa chérie dans la chambre avec lui, sa mère était présente. Une fois que je suis arrivée, il m’a dit : « Ah ben voilà, je tenais à vous dire au revoir parce que là, ça y est, c’est le moment. Je suis content que vous soyez autour de moi ». Il est mort comme ça, après ces paroles, il est mort comme s’il avait totalement géré son départ.
Je suis désolée, c’est pas une histoire drôle que je vous raconte, mais c’était une belle rencontre avec ce gars-là qui me reste en mémoire et qui est parti, si tant est qu’on peut partir sereinement, le plus sereinement possible… Moi j’ai vu beaucoup de départs et je n’ai jamais vu quelque chose comme ça. Comme un chef d’orchestre, comme si c’était orchestré ! ”
Agnès