Histoires vraies de Haute-Provence

La corneille, par Paulette

31 janvier 2021

Temps de lecture : 2 minutes

Une histoire recueillie à Forcalquier.

Illustration du texte par Fanny Blanc, parue dans La Provence.

Je travaillais dans un bar à Mane. J’ai travaillé jusqu’à 80 ans. Un jour, en allant acheter le journal en face, j’ai une corneille qui s’est posée sur mon épaule. C’était un monsieur qui l’avait apprivoisée et quand il ne l’a plus voulue, il l’a abandonnée. Cette corneille était sur mon épaule tout le temps. On allait au boulanger ensemble, elle rentrait dans le bar, le patron était d’accord. Elle se mettait sur le comptoir et quand il y avait des mégots, elle les sortait du cendrier. Elle était toujours avec moi, ça a duré longtemps. Elle venait chez moi, elle me repérait et quand j’étais chez moi, elle venait sur la terrasse.

Après, je ne travaillais plus au bar, je faisais du repassage. J’avais des amies, on se retrouvait tous les matins à 8h pour aller boire le café. Alors en rigolant, on disait au patron du bar : « Eh Ludo ! T’as rien sur le cœur ? » Ça voulait dire qu’il devait payer sa tournée.

Avant, j’étais en Auvergne du côté du Puy-en-Velay. J’habitais dans la ville de Langeac. J’ai travaillé à l’âge de 13 ans, je ne voulais plus aller à l’école, j’apprenais pas. Ma mère travaillait dans un hôpital, j’ai travaillé avec elle. On n’avait pas de sécurité, j’avais que 13 ans. Heureusement que j’étais pas malade. Ensuite, je suis rentrée en usine. On faisait des coussins pour les voitures. J’avais une équipe de 5 ou 6 femmes et un jour mon patron, que je connaissais bien, me dit : « Paulette, le rendement n’est pas assez fort. Au lieu d’en faire cinq, il faut en faire 150. Je vais vous mettre une machine. » Je lui ai répondu : « Écoutez monsieur Copin, c’est très bien votre machine, les 150 on les sortira. Mais si les colis, les cartons reviennent, il faudra vous en prendre à vous. » Il n’y a pas eu de problème : les femmes, elles étaient consciencieuses.

Le directeur, un jour, il me dit : « Si vous voulez, à Aix-en-Provence, j’ai des amis qui cherchent. Et j’ai travaillé chez quelqu’un qui était au gouvernement à Paris. Il était à Paris et il venait les fins de la semaine. J’étais avec sa femme et ses quatre enfants. J’étais bonne, je soignais les enfants, je m’occupais un peu de tout. »

J’ai toujours aimé travailler, si je pouvais marcher, je continuerai maintenant.

Paulette