Une histoire collectée en novembre 2020 à Cinquétral.
Transcription de l’histoire audio
“ J’ai vécu mon enfance à Cinquétral, je venais passer mes vacances avec mes parents ici. On disait le Pierrot, c’était mon diminutif. Donc le Pierrot, pendant les vacances, il allait faire les foins chez le paysan du coin qui s’appelait le Kati. On l’appelait ainsi parce qu’il mangeait beaucoup de pommes de terre et dans le Haut-Jura on dit que les pommes de terre sont des kati. On allait faire les foins pendant deux mois et demi de vacances et on était bien sûr pas payés, il n’y avait pas de rétribution, etc.
Au bout de deux-trois ans, le Kati me dit : « Ça m’embête, tu travailles bien, tu fais les foins chez moi. Ce qui serait bien c’est qu’à la Blénière, je connais un paysan qui vend une vache qui va vêler – une vache qui fait veau. Mais il faut quand même que tu l’achètes ». Alors quand on a 14 ans, on a toutes ses petites économies qui sont la Caisse d’Épargne, mais qu’on ne peut pas retirer parce qu’on est pas majeur. Je suis allé voir ma mémé et je lui ai dit : « Il faudrait que tu ailles à la Caisse d’Épargne pour aller retirer mes économies ».
– Ma mémé m’a dit : « Attends, retirer toutes tes économies pour faire quoi ? »
– « Pour acheter une vache. »
– « Comment ?! Tu veux acheter une vache ? »
– « Oui, c’est une bonne affaire, elle va faire un veau, je revendrai le veau. Tu verras, tu reporteras des sous à la Caisse d’Épargne ! »
Je me fais un peu tirer l’oreille mais elle est quand même aller chercher mes économies à la Caisse d’Épargne. Donc j’ai acheté ma vache, tout fier. Manque de chance, quand la vache a fait le veau, le veau a crevé. Donc, la mémé m’a dit : « Tu vois, t’as déjà mangé les intérêts, maintenant tu vas manger le capital parce qu’une vache qui n’est pas tétée par son veau, elle fait une mammite et puis elle crève ! »
Alors j’étais très inquiet, ma vache était sur le pâturage d’en face, sur la Rochette. Tous les jours, j’allais la voir, je regardais, je touchais les mamelles pour qu’elles durcissent, je tirais le lit pour qu’il tombe par terre. Finalement, la vache a bien passé la saison. Donc cet ami paysan m’a gardé la vache l’hiver et au printemps il me dit : « Pierrot, le marchand de bestiaux est passé et il m’a proposé un bon prix pour ta vache. Tu vas la revendre 200 F de plus que ce que tu l’avais achetée. » Alors j’ai pris les sous et je suis allé voir la mémé pour lui dire : « Dis donc mémé, tu peux rapporter les sous à la Caisse d’Épargne, mais regarde les intérêts : 200 F c’est presque un tiers du prix que j’avais payée la vache à l’époque ! » ”
Pierrot