Zoulikha a 40 ans, de famille communiste, sa mère était directrice de l’école des Beaux-Arts d’Alger, sa famille a dû fuir pendant la Décennie noire. Aujourd’hui, elle habite Casablanca et travaille dans le milieu de l’art.
Quand j’étais petite je voulais toujours être la meilleure, les cours étaient très importants pour moi. Toujours avoir 20/20, et j’y arrivais. Un jour, je ramène mon bulletin et mon père lit : « 20/20 en Français, très bien, 20/20 en Maths, ok, 20/20 en Histoire, je suis fier de toi ma fille ! » et puis là, il s’arrête et devient tout pâle. « 20/20 en religion ! Mais comment ça se fait, Zoulikha ! Tu peux pas me faire ça ! »
Il était vraiment déçu de ce 20/20. Il me dit : « Ma fille, je comprends que tu veuilles avoir de bonnes notes, mais pas en religion. » Et là son esprit s’inquiète, il me demande si je me suis peut-être radicalisée, si je suis devenue bigote pour faire ma crise d’ado. « Mais c’était quoi l’examen, qu’est-ce qu’ils t’ont demandé ? » Alors j’explique que pour la rédaction ils demandaient d’expliquer le bonheur que ça représente d’entrer en Islam, de devenir croyant et membre des fidèles. Moi je connais trois sourates, je les remets par cœur et je brode autour en répondant à la question, du mieux que je peux. Je vois qu’il est un peu rassuré.
Avant ça, à 9 ans, j’avais déjà eu des soucis à cause des cours de religion. Un jour, comme j’étais la première de la classe, le prof m’a demandé de faire un exposé le lendemain pour expliquer aux autres élèves comment faire la prière. Comme j’en avais jamais fait, je vais voir ma mère : « Tu es sérieuse ?! Tu as que ça à faire ?! Tu n’as pas un livre à lire ?! » Donc je vais voir mon père, et lui : « Mais qu’est-ce que tu me fais chier avec la prière, ma fille vraiment je m’inquiète des fois. » Donc je vais voir ma grand-mère, qui m’explique que voilà, elle fait comme-ci, comme-ça, qu’elle connait juste cette sourate, qu’elle récite par cœur quand elle a besoin, mais qu’elle ne prie pas souvent, qu’elle ne peut pas vraiment m’aider.
J’arrive le matin. « Au tableau, Zoulikha ! Montre à tes camarades comment on fait la prière en bonne musulmane. » Et moi, je me décompose en quatre, et j’avoue : « Je ne sais pas, désolée. »
Il m’a chicoté devant tout le monde. Des coups de bâton derrière les pieds ! Je rentre à la maison en pleurs, je commence à manger et j’explique ce qui m’est arrivé. Ma mère m’arrête, m’attrape par le bras, on court à l’école et là elle a fait un scandale ! Toute l’école s’est mise à trembler. « Vous croyez qu’avec ces méthodes ma fille va devenir religieuse ?! Vous, un professeur qui doit apprendre aux élèves et qui frappe quand ils admettent ne pas savoir ? Mais frappez-vous tout seul avec votre ignorance ! »
Moi toute petite, j’observais comment ma mère s’y prenait pour le détruire. Tous ces arguments et cette colère qu’elle avait. Ça a été une grande leçon de vie, ma mère cette castratrice d’algériens. C’est un modèle pour moi, d’elle que je tiens ma forte personnalité.
Zoulikha
Histoire collectée à Oujda le lundi 14 octobre 2019