Je suis né en 1951 à Saint-Hilaire-des Loges, je suis allé à l’école
primaire catholique du village à partir du cours préparatoire. Mes
parents étaient agriculteurs. Comme mon père était le dernier enfant de
la famille (le 11e), il est resté sur la ferme familiale, exploitant 17
hectares de polyculture. Il y avait 14 propriétaires sur les 17 hectares
(tous de la famille) .
A cette époque, peu, très peu de départs vers le collège. Sur 17 garçons
dans la classe (les filles étaient à une autre école) seuls 3 ou 4 sont
allés au collège. L’instituteur dit à mes parents qu’il serait
souhaitable que j’aille en 6e. Mes parents en étaient persuadés, désirant
avant tout que j’ai une meilleure » situation » que la leur. Il y avait
un collège public à Saint-Hilaire-des Loges, distant de 1,5 km. Il
n’était apparemment pas question que j’y aille. Je devais suivre la
filière » enseignement catholique « . A 10 ans j’étais prêt à entrer en
6e, mais j’ai attendu ma 11e année pour y aller, ce fut à Benet, à 15 km
de la maison, où il y avait bien sûr un collège catholique. Aucun
transport n’était organisé, puisque celui-ci se dirigeait vers
Saint-Hilaire pour le collège public ou vers Fontenay pour être
pensionnaire à Saint-Joseph, et il n’en était pas question. Par contre,
il existait un car quotidien de Coulonges-sur-l’Autize à Benet
L’affaire fut ainsi réglée, je partais en vélo de la maison à 6H45 le
matin, prenais le car à Coulonges, soit à 7 km de là, et je faisais
l’inverse le soir. J’arrivais à 19h à la maison. La journée était bien
remplie. Heureusement que nous pouvions faire les devoirs dans le car, et
que j’avais assez de facilités pour apprendre. Mon camarade Jean-Paul qui
faisait pourtant moins de km à vélo, puisqu’il habitait à 3 km de
Coulonges, n’y a pas résisté et a été dégoûté de l’école, malgré les
injonctions de ses parents. Je passais tous les jours devant le collège
public de Saint-Hilaire. Se posait le problème de l’hiver. Mes parents me
trouvèrent une chambre chez une vieille dame qui habitait à côté du
collège et j’y résidais du lundi au mardi et du jeudi au samedi, les
autres jours, je faisais la route à vélo. Néanmoins, je roulais moins
fréquemment. Il en fut ainsi de la 6e à la 4e.
Pour la 3e, il n’y avait plus assez d’élèves pour le car, qui fut donc
supprimé. Mon père, toujours décidé à tout faire pour l’éducation de son
fils, acheta une Peugeot 203 familiale, et fit la tournée, remplissant la
voiture avec 8 enfants. Il roula ainsi tous les jours. Je ne sais pas
comment il se faisait rémunérer, je pense qu’il n’avait aucune assurance
de voiture particulière. La voiture fit l’année, et ensuite termina dans
la cour de la ferme, pour y mettre des outils, les sièges finissant comme
dans les dépendances ou dehors lorsqu’il faisait beau.
Ensuite, pour la seconde, un car était organisé pour Fontenay-le-Comte,
où je pus aller à Saint-Joseph passer mon bac
Je suis maintenant médecin généraliste et sans l’opiniâtreté de mes
parents, je n’aurais jamais pu y arriver.
Et pour la petite histoire, mes parents ont toujours exigé que je passe
tous les examens. A l’époque, certificat élémentaire à la fin du cours
moyen, certificat supérieur à la fin du cours supérieur, puisque je ne
suis pas parti en 6e tout de suite (c’était uniquement dans le privé). En
4e j’ai passé mon certificat d’études primaires (Marseillaise, et
composition du fumier, entres autres). En 3e le brevet et ensuite, bien
sûr comme tout le monde.
Mon frère cadet né en 1952, chez qui on avait découvert une vocation
d’instituteur dans l’enseignement catholique est allé à 12 ans en 6e au
collège Tourtelière à Montournais, où il fut pensionnaire de la 6e à la
3e. Ensuite, il rejoignit le lycée Saint-Joseph de Fontenay-le-Comte lui
aussi.
Ensuite les départs en 6e se firent plus nombreux et des cars passant
près de la maison étaient organisés pour Fontenay-le-Comte chaque jour.
Bonnaud Christian, 63 ans