Tu as 16 ans de souvenirs, tu habites Marseille en 2013. 9 ans pour grandir, 4 ans de calvaire et 3 ans de galère. De famille en famille, de rue en rue, le temps passe. Le paysage défile. Seule, perdue ou accompagnée. Tu te sens protégée par la vie. Et pourtant ?
Si je peux vous raconter une de mes soirées qui m’a marquée, une de celles qui m’ont ouvert les yeux. Être sur ses gardes.
10h du soir, dans un salon de Chicha. Tu es avec deux amies, le sentiment de liberté au bout des lèvres. Et une crise d’euphorie intense maîtrisée par l’air oppressant et humide se présentant à toi. Le doux parfum de menthe et de citron accompagnée de musique de fond finit par te détendre complètement et tu commençais à te laisser aller aux bras protecteurs de la fumée et de tes amies. Consommation gratuite, choix de luxe, on ne manquait jamais de rien. Ni à manger, ni à boire, ni à fumer. On aurait pu demander ce qu’on voulait, on nous l’aurait volontiers offert. Mais un sentiment d’insécurité, de vulnérabilité commençait à t’oppresser. Tu regardais l’heure, et les gens qui venaient. Ils plaisantaient un moment puis partaient. Tu voyais rapidement arriver une grande gueule avec son verre de whisky-coca à moitié vidé. Maladroitement il se posa à côté de toi. Au moment où il ouvrit la bouche, au moment où il croisa ton regard, tu compris que vous seriez ses « proies ». Il voulait vous…AVOIR. Tu pouvais seulement attendre, essayer de rester distante, faire de ton mieux.
Il avait une mauvaise mentalité, une sorte de haine brûlait son regard, une rancœur infiniment violente, presque sadique.
Mais dans quoi s’était-on fourrée…
Ta meilleure amie violée, tu y es presque passée… Peut-être aurait-il mieux fallu que ce soit toi, pas elle. Tu l’aimes.
Un jeune taré s’est scarifié et s’est mis à vous menacer de son couteau ensanglanté. Des bouteilles de whisky vidées. Charbons après charbons, chicha après chicha, on attendait. Jouer un rôle pour mieux s’échapper. Rester distante, souriante. Paraître mature, sereine. Faire semblant de l’admirer. Rigoler. Attendre…
Rester ensemble, toujours.
Enfin il dormait, on en profite ! La porte entrouverte et en un souffle glacé le petit matin vous enveloppe ! On se mêle alors à la cohue quotidienne. Haletant et cherchant une minute de repos dans le rythme perpétuel de la ville.
Tu as 16 ans de souvenirs, par Maud, Lycée A. Artaud
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