» Et maintenant, notre âme est desséchée, plus rien ! Si ce n’est la manne pour nos yeux. »
(Nombres 11 : 6)
Les derniers jours de la fête de Ramadan s’écoulaient paisiblement dans la douceur d’un hiver tempéré. La chaleur régnait encore à Eilat et dans toute la péninsule du Sinaï, en ce Temps-là sous contrôle israélien.
Les bédouins, membres de la tribu Tarabin, été probablement Tarabin- Hedjaz, Ils sont venus au Sinaï après les membres Huwas. La tribu a disparu, ou assimiler, après avoir consenti à les accepter dans ses rangs, de mettre en garde contre les incursions des Bédouins d’autres venant du nord. Elles font désormais partie de la grande tribu Tarabin cui vie dans le nord du Néguev d Israel, dans le Sinaï Ils habitaient Surtout dans l’Est au nord de Nuweiba, ils se distinguent ils sont diffèrent du reste des Bédouins dans le Sinaï.
Les gens des tribus croyaient dur comme fer au destin, à la fatalité et étaient persuadés que toute destinée humaine, propice ou néfaste, émanait de la volonté d’Allah. Fidèles à cette croyance, ils s’abstenaient en cas de maladie, de suivre tout traitement thérapeutique et se tournaient instinctivement vers les vertus de la médecine populaire traditionnelle.
Le docteur Maurice, un médecin de famille pratiquant à Eilat et son épouse se portèrent volontaires pour soigner les populations bédouines ; ils réussirent à endiguer la vague de décès qui frappait les nourrissons, enseignèrent aux mères bédouines les règles élémentaires de l’hygiène personnelle et leur firent découvrir les succédanés du lait maternel, sous forme de conserves en boîtes de métal, à donner aux bébés à la place du thé. Les bienfaits de la médecine moderne se répercutèrent également sur la santé des bédouins adultes, sur leur espérance de vie, les amenant à un âge honorable relativement avancé. La population s’agrandit, les besoins aussi, mais les moyens de subsistance restaient très limités. Bien avant que les israéliens ne découvrent le Sinaï, ses vastes étendues et ses paysages fabuleux, il n’y avait tout simplement rien à manger sous la tente des bédouins, si ce n’est quelques poissons malodorants séchés au soleil et des oeufs de la Tnouva*, le plus souvent avariés sous l’action de la lourde chaleur. Dans l’attente d’un miracle divin, les anciens de la tribu se rassemblaient régulièrement sous la tente centrale et priaient. Ils tendaient leurs mains suppliantes vers le ciel et leur appel résonnait au loin :
? Oh Allah Clément et Miséricordieux, donne-nous de la viande, ne serait-ce qu’en l’honneur de la sainte fête de Ramadan. ?
Douze heures après la dernière imploration, les journaux israéliens publièrent le récit circonstancié de Djamal, un enfant bédouin autiste habitant du Sinaï, vivant auprès de ses parents dans des conditions miséreuses et dont un dauphin, qui est devenu son ami, améliora miraculeusement l’état de santé, après l’avoir approché lors d’une rencontre fortuite sur les eaux mythiques de Di-Zahav*, de Dahab.
Djamal était somnambule.
La nuit, il se levait au milieu de son sommeil, quittait la petite cité-dortoir et se retrouvait sur la plage. Il ne se réveillait qu’au contact de l’eau froide caressant la plante de ses pieds. Au dernier moment. Sur le point de s’enfoncer plus en avant, toujours prisonnier de son sommeil, dans les vagues menaçant de l’engloutir.
Cette nuit-là, une forte tempête de sable se leva sur le Sinaï. Un vent violent chargé de sable jaune souffla sur la mer, soulevant de hautes vagues qui vinrent balayer le rivage avec fracas, laissant derrière elles des rubans d’écume blanche. Les filets tendus mis à sécher par les pécheurs, craquèrent, s’envolèrent et partirent en mille morceaux.
Djamal, pris dans la tourmente, malmenée sur ses flancs par les rafales de la tempête, avance sur la plage, endormi, somnambule. Il atteint le bord de l’eau et commence à s’enfoncer en direction des hautes lames.
Mais cette fois-ci il ne se réveille pas.
Les bras tendus en avant, le pas hésitant, il oscille, portant avec peine le poids de son corps d’une jambe à l’autre. Ses cheveux ébouriffés par la tempête volent dans tous les sens. Alors que, les yeux fermés et à la merci des éléments déchaînés, il est sur le point d’être jeté à l’eau par une vague géante dont la menace se précise, voici qu’une voix ténue se lève tel un écho renvoyé par les monts et les lames, surmontant le fracas et le grondement de la tourmente.
Le dauphin nageait devant Djamal, poussant de petits cris.
Puis, il crie fort, de plus en plus fort, jusqu’à ce que ce dernier ouvre enfin les yeux.
Djamal, passablement sonné, s’accroupit sur le sable et pendant une heure entière observa le dauphin s’élancer hors de l’eau. Il sautait, bondissait tout en émettant une série de sons étranges et variés. Il piquait vers le large et revenait, nageait et revenait. Lorsque les premiers rayons du soleil matinal apparurent au-dessus des monts, Djamal se débarbouilla dans l’eau salée et effleura le dauphin du bout de ses doigts. Ce contact lui procura des sensations nouvelles, troublantes, fortes et vives.
Il ne se passa pas un quart d’heure que la soeur de Djamal, s’élançant au pas de course depuis la grève, fit irruption chez ses parents et les secoua vivement, les tirant de leur sommeil :
? Venez vite ! Venez vite ! Djamal vient de réaliser un miracle ! ?
Toute la tribu se tenait déjà à l’extérieur, lançant vers la mer des regards bouleversés, éperdus. ? Quelques mètres du rivage, Djamal et le dauphin nageaient côte à côte, au milieu de centaines de volailles de choix, proprement déplumées et flottant sur le fil de l’eau.
Une mer de victuailles.
Les anciens de la tribu se rassemblèrent sur-le-champ, rendirent grâce à Allah et Le bénirent. Lui qui a bien voulu répondre à leurs prières, qui a entièrement exaucé leurs voeux et qui leur a envoyé de la volaille pour la fête de Ramadan. Ils racontèrent aux plus jeunes que, de leur côté, les enfants d’Israël avaient également eu droit à un miracle dans cette même péninsule du Sinaï. Pendant que les jeunes de la tribu déployaient les filets pour pécher – pour la première fois dans l’histoire des peuples – de la volaille surgelée, les anciens revinrent sous la tente et « louèrent le Seigneur, qui est Bon. Eternelle est sa Miséricorde. » *
Puis ils mangèrent de cette manne que la mer leur offrait.
Cette année-là à Dahab, la fête de Ramadan fut de loin la plus réussie de mémoire d’anciens de la tribu. Non seulement il y avait de la viande en abondance pour la fête, mais il y eut de surcroît un surplus de nourriture qui fut promptement salé et séché à la manière des premiers ancêtres.
Cinq jours plus tard, le miracle devint un thème d’actualité et fit l’objet d’une vive polémique. Des israéliens débarquèrent à Dahab et affirmèrent aux membres de la tribu qu’en dépit des apparences, le miracle n’en était pas un. Ou alors, peut-être malgré tout, un miracle d’une nature différente ?
Un bateau de transport en provenance de Marseille, chargé de produits français de choix destinés aux riches saoudiens, fut prit dans la tempête de sable jaune et vint s’échouer sur les rocs pointus et acérés aux abords du littoral de Dahab. Le navire se trouvait dans un piteux état. Les mats brisés flottaient sur le pont au milieu d’un enchevêtrement de cordes déliées, de chevrons, pieux et piquets libérés de leurs attaches. Le navire a ensuite sombré lentement, s’engloutissant dans les profondeurs de la mer.
La totalité de son chargement, dont les centaines de volailles, flottait sur l’eau…
Lorsque la nouvelle se répandit parmi les bédouins et qu’ils réalisèrent que ce n’était pas Allah qui leur avait envoyé la volaille, une grande clameur s’éleva parmi eux. Ils se rendirent chez les anciens quêtés leur avis : que faire du surplus de volailles, le garder ou le rejeter à la mer ? Les discussions se prolongèrent trois jours entiers. On remplit des dizaines de verres de thé amer comme de l’absinthe et, pour finir, de la fumée blanche monta des narguilés.
Le destin ! C’est le destin !
Tout ce qui arrive à l’homme dépend de la volonté d’Allah.
? La volaille ne nous est pas parvenue directement d’Allah… ? Tranchèrent les anciens,
? …mais c’est par Sa Volonté qu’elle a pris le chemin de la mer, pour aboutir chez nous et… tout ce qui vient de la mer nous appartient. ?
Et Djamal dans tout cela ?
On lui accola un surnom le qualifiant de :
« Djamal, le Faiseur-de-Miracle-de-Fête-de-Ramadan.
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*1 Di-Zahav (Dahab), station balnéaire située sur le golfe d’Aqaba à l’extrémité orientale du Sinaï sur la mer Rouge en Egypte. (Zahav en hébreu signifie « or », Dahab ou D’heb en arabe). Di-Zahav est à relever dans le premier verset de la portion hebdomadaire du Pentateuque, la Parashat Devarim, qui ouvre le livre du Deutéronome. Ce nom n’est nulle part mentionné dans tout le récit des années passées par les juifs dans le désert. Il ne s’agit vraisemblablement pas d’une information géographique. Ainsi, Rashi explique que « Di-Zahav » fait allusion a la faute du veau d’or (Exode XXXII) : « Ils les a réprimandé au sujet du veau qu’ils ont fait a cause de tout l’or (Zahav) qu’ils possédaient ». Ou encore: à cause de l’excès d’or, (Daï-Zahav) selon Rabbi Yanaï cité dans le Talmud (Bérakhoth 32a).
*2 Tnouva, voir récit « Le Premier Pécheur Marocain », note 6.
*3 Tiré du Psaume 136 : 1-3, « Hodou l’Adonaï Qi Tov Qi Léolam Hassdo. »