Il faut savoir avant d’y aller que les sites pornographiques sont censurés sur toute l’Anatolie, et donc ne pas oublier ses disques durs. Les plus connus, youporn, sextv, etc., vous connaissez tous, j’en suis sûr, affichent l’interdiction.
Je ne suis pas particulièrement pour la censure d’état, mais je découvre qu’un peu moins de cul en libre accès est plutôt une bonne mesure pour la santé mentale. Contrairement au bidasse moyen français, habitué à ses positions préférées en streaming, le soldat kemaliste doit faire preuve d’imagination pour se réchauffer la guérite. Et pour cela, magie, il est un bon vieux truc qui marche toujours : il se raconte des histoires, comme celle de La Candide mariée.
Les jeunes du village se la transmettaient de génération en génération, écrit Livanelli, et elle était devenue légende. Djemal, un des héros de Délivrance, soldat turc en poste dans les pentes enneigées des monts Gabar, en plein pays kurde, rêvait d’elle souvent.
La Candide mariée avait atteint l’âge de quinze ans, protégée des vices de ce monde et cachée comme une fleur précieuse, ne connaissant rien à la vie. Ses parents lui interdisaient de jouer avec les autres enfants, de sortir, d’apprendre ainsi ce qui se passait entre filles et garçons. Hasan, le berger qui eut le bonheur de l’épouser lorsqu’elle eut quinze ans, voulut préserver sa pure innocence. La nuit de leurs noces, il déclara à sa femme : « Je vais te dire un secret, Candide mariée ! Je ne suis pas comme les autres. » la Candide mariée tourna un visage étonné vers son mari. « J’ai quelque chose de plus que les autres », dit Hasan en se découvrant. Elle s’exclama : « Qu’est-ce que c’est ? – Je vais te montrer à quoi cela sert ! » et jusqu’au petit matin, Hasan lui démontra les qualités de cette chose en plus dont lui seul était pourvu. Le lendemain matin, sur le visage un peu niais de la Candide mariée apparut un sourire béat. (…)
Une ou deux années s’écoulèrent ainsi, puis Hasan partit faire son service militaire. En étreignant sa femme dont il se séparait pour deux ans, il lui expliqua qu’ils se retrouveraient comme avant : « D’ici-là, attends-moi sagement ! » Après le départ de Hasan, la Candide mariée cessa de sourire, une étrange langueur embrumait ses yeux. Quand on lui demandait : « Qu’as-tu ? », elle répondait : « Rien, je m’ennuie de mon Hasan. »
Un jour qu’elle errait, mélancolique, Mehmet, l’ami de Hasan, vint la voir. « Candide mariée, dit-il, tu n’es pas la seule dont l’époux fait son service militaire. Pourquoi es-tu si triste ? » La Candide mariée à qui Mehemet rappelait Hasan répondit : « Il n’est pas comme les autres ! » Et tandis que Mehmet lui demandait en quoi il était différent, elle déclara : « C’est qu’il a sur le devant une chose que personne n’a ! » Comprenant la ruse de Hasan, Mehmet réplique : « Candide mariée, moi aussi je l’ai ! » Comme elle refusait de croire à ces mensonges, Mehmet l’emmena dans un champ désert pour lui en donner la preuve.
A compter de ce jour, ils consacrèrent leurs nuits à se rencontrer secrètement. Un beau jour Hasan revint, son service militaire effectué. Voyant que sa femme, le visage troublé, ne lui prêtait aucune attention, il s’inquiéta : « Que se passe-t-il, Candide mariée ? – Tu n’es qu’un menteur, répondit-elle, tu prétendais être le seul à avoir cette chose bizarre sur le devant. »
« Hélas ! Pensa Hasan, c’en est fini de ma Candide mariée ! » Il demanda qui d’autre avait cette « chose bizarre » et elle nomma Mehmet. Hasan se sentit perdu et ne sut d’abord par quel mensonge s’en tirer, puis il réfléchit et dit : « J’en avais deux, je lui en ai donné une. »
Alors la Candide mariée éclata en sanglots. « Qu’y a-t-il, s’enquit Hasan, pourquoi pleures-tu ? » Elle lui frappa le bras de son poing et prononça avant de s’évanouir : « Mon Hasan, pourquoi lui as-tu donné la meilleure ? »