C’était le 14 ou 15 Septembre 1922. L’incendie de Smyrne avait commencé le 13, mercredi, et avançait vers la mer poussé par un vent tres violent soufflant du sud, chassant devant lui les habitants qui abandonnaient leur maison et tout leur biens aux flammes. Nous étions au moins un groupe de 10 à 15 personnes. Pol mon petit cousin qui avait deux ans et demi et qui était porté dans les bras, répétait a tue-tête “Sfalate ta matakiasas” (Fermez vos petits yeux), comme on lui disait pour lui épargner le picotement de la fumée. En plus chacun tenait un mouchoir mouillé a la bouche.
La famille se dirigeait vers La Pointe pour se rendre a Bayraklı. En chemin ils furent arrêtés par un groupe de soldats turcs, dont l’officier demanda en très bon français où ils allaient. Lorsqu’ils dirent “Bayraklı”, il les dissuada, leur disant que ce n’était pas prudent, et ils decidèrent d’aller à Buca (Budja). L’officier proposa de les accompagner jusqu’à la gare. Et comme ma soeur Germaine qui avait six ans se trainait, il l’a pris et la mis devant lui sur l’encolure de son cheval. Maman craignait qu’il ne partit au galop en emportant sa fille. L’officier s’aperçut de la crainte qu’elle avait et lui dit “N’ayez pas peur madame; tenez la bride de mon cheval.”. Elle la prit et la tint bien fort. A la gare, le train allait se mettre en marche, lorsque l’officier le fit arrêter et supervisa que toute la famille monte bıen sur le train. Ma mère depuis lors, a toujours regretté de ne l’avoir pas, non seulement remercier, mais de n’avoir même pas demander son nom.
Arrivés a Budja, le groupe se dirigea vers le couvent et l’orphelinat des soeurs de charité pour etre héberger. Ma mère connaissait les soeurs. Mais la soeur portiere lui dit qu’elles n’acceptaient que les enfants arméniens et orthodoxes parcequ’ils “étaient plus en danger que
les catholiques.” Finalement ma mère a convaincu la soeur, et nous ont admis dans l’orphelinat.
Mais avant d’arriver, sur le chemin avait bivouaqué un groupe de soldat assis sur un petit mur surmonté d’une grille. Ma mere trenait Germaine qui ne s’arretait pas de grincher et pleurer.
Un soldat lui dit en turc: “Cet enfant a faim!” Et il deboutonna la veste de son uniforme et retira de sa poitrine sa ration de pain qu’il separa en deux et en donna la moitié a ma soeur.
Lui, n’avait peut etre que ça pour manger ce jour la.
Gilbert Epik (histoire racontée par Inez Lorenz Roels / story told by Inez Lorenz Roels) – Texte / Text
Histoire écrite en français / Story written in French