Hélène avait une vingtaine d’années, grande et brune, cadette d’une famille modeste elle s’occupait de sa petit sœur, cancre puis médecin, féministe avant l’heure, elle aimait faire des randonnées à ski. Un jour, Marie-Rose, une amie d’enfance, lui proposa une randonnée de deux jours avec une nuit en refuge dans les Alpes. Elles iraient avec des amis à elle. Le jour dit elles arrivaient à un petit village de Savoie, Aime. Au pied de la montagne enneigée, elles sortirent leurs skis, leurs peaux-de-phoques, leurs sac-à-dos et leurs sacs de couchage. Le mari de Marie-Rose et son ami, Jacques, arrivèrent. Il était pas mal, mais trop petit se reprit-elle bien vite !
Impressionné par cette jeune femme qui s’acharnait à fermer son sac rapiécé, à coller ses vieilles peaux-de-phoques sur ses skis tout aussi vieux, Jacques préparait ses affaires tout en se demandant si cette énergie perdurait les vingt premiers mètres de la montée passées. Si c’était le cas c’était « la minette de sa vie ».
L’acensions commença.
La première heure durant, Hélène suivait le rythme acharné imposé par Jacques apparemment sans peine. Jacques était de plus en plus impressionné jusqu’au moment où Hélène s’arrêta net. Elle annonça avec tout le calme du monde que sa peau-de-phoque s’était cassée en deux et qu’elle ne pouvait plus monter.
Il bougonnait déjà dans sa barbe drue qu’ah, ces femmes y’en avait pas une capable de faire du sport correctement et qu’il finirait avec une femme tout juste bonne à allaiter des marmots et à faire des cassoulets trop salés. Pour lui, elle allait redescendre, rentrer et c’était tant mieux.
Hélène le regarda droit dans les yeux et lui dit simplement que sa peau-de-phoque elle allait la recoudre puis les rattraper et qu’il n’y avait pas de quoi en faire un drame.
Aussi, elle sortit de son sac à dos une aiguille et du fil ainsi qu’un thermos rempli de thé, elle se servit un gobelet, s’assit dans la neige et se mis à recoudre sa peau-de-phoque. Les trois autres continuèrent de monter menés par un Jacques un peu perdu.
Moins d’une heure après ils eurent la surprise de voir arriver Hélène. Bien campée sur ses deux skis, les joues roses et une peau-de-phoque recousue soigneusement. Il était effarée, elle l’avait rattrapée malgré son avance et ne paraissait même pas essoufflée.
Il le savait, c’était la minette de sa vie, il allait se marier avec elle et avoir plein d’enfants qu’ils emmèneraient faire de la montagne, du kayak, de l’escalade, des canyons, marcher, skier… Ils iraient dans les Calanques, à Ailefroide, à Boux, à Fontainebleau, à la Sainte-Victoire, dans les plus beaux sites d’escalade du monde…
Bientôt, ils arrivèrent au refuge. Un petit chalet en bois et en pierre perdu au milieu d’une montagne, presque entièrement recouvert de neige. Ils allumèrent un feu, firent cuire des pâtes sur leur petit réchaud instable et très vite ils déplièrent leurs sacs de couchage en plumes d’oie et s’y glissèrent pour dormir. Tous sauf Hélène. Bien que sportive et débrouillarde elle n’avait qu’un fin duvet de plage, parfait pour dormir dehors l’été sous les étoiles mais plutôt austère dans un refuge sans chauffage, de nuit, en plein hiver et en altitude.
Alors, doucement elle glissa sur le sol en pierre dure du refuge et s’installa contre Jacques, réchauffée, elle s’endormit.
Quelques mois plus tard, elle dînait dans une maison bourgeoise avec les parents de Jacques. La mère l’emmena dans le petit salon et lui dit « Alors comme ça vous allez vous marier avec mon fils… ? » Eberluée Hélène répondit qu’elle n’en avait pas été informée mais qu’après tout, pourquoi pas. Ils se marièrent donc, dans la bruyère de Fontainebleau, eurent trois enfants à qui ils apprirent l’escalade, le ski, la randonnée, le kayak…
Ceci est la rencontre de mes grands parents telle qu’ils me l’ont racontée des centaines de fois. Les mots des personnages sont ceux qu’ils utilisaient pour raconter leur histoire et sont restés dans la famille.
Annaick LeMenestrel – Texte / Text
Histoire écrite en français / Story written in French