En septembre 1984, après plusieurs années au Vénézuela, puis à Montpelier, j’ai passé un concours d’alto pour travailler à l’OBC (Orquestra symfònica de Barcelona i nacional de Catalunya), et ayant gagné la place, je me suis installé dans un attique rue Bailén. Le lendemain matin de l’aménagement, j’ai remarqué qu’à l’aide d’un simple escabot je pouvais monter depuis mon balcon sur la terrasse du bâtiment. La vue de Barcelone était spectaculaire depuis cette hauteur vertigineuse… J’ai contemplé pendant longtemps les édifices à perte de vue.
Vers midi, j’étais redescendu et je préparais dans la cuisine des patates sautés, occupé à esquiver les jets d’huile qui éclaboussaient de partout. Malgré les fenêtres ouvertes à longueure de journée, il faisait une chaleur étouffante. Soudain un pistolet est apparu à ma gauche, suivit d’une voix grâve qui me sommait d’ouvrir la porte de l’appartement. J’ai sursauté tout en éteingnant le feu. Le policier est rentré par la fenêtre derrière moi et m’a suivit jusqu’à l’entrée, me menaceant de son arme. De l’autre coté de la porte m’attendaient deux autres “flics”. « Ne bougez pas ! Restez sur le coté ! » m’a crié l’un d’entre eux, « Votre nom ? » m’a demandé l’autre. « Michel Millet ». « Que faites-vous ici ? » a repris le premier, voyant que j’étais étranger. « J’habite ici ». Je ne comprenais rien…
L’interrogatoire s’est poursuit puis les “flics” m’on demandé ma carte d’identité, le contrat de travaille et celui du loyer… et d’autres papiers qui prouvaient ma légalité. «Y-a-t’il quelqu’un d’autre dans l’appartement ? » a recommencé le premier, « Non, je vis seul ici ». Ils ont tout de même fouillé l’appartement où ils n’ont trouvé personne. Avec un air déçus, les policiers ont hoché la tête comme pour indiquer qu’il n’y avait rien d’intéressant à relever. Intrigué, je leur ai demandé pour quoi la police était rentrée chez moi, et ils m’ont répondu « Nous sommes désolés de vous avoir dérangé, nous avons du commettre une erreur, des voisins d’en face de votre bâtiment ont vu un homme sur la terrasse où il est interdit de monter, et ont pensé qu’il s’agissait d’un voleur, qui était donc rentré ici ». Je n’ai rien dit, les “flics” sont repartis.
J’ai croisé alors la voisine d’en bas qui, voyant la police, m’a demandé si on m’avais volé aussi. Voyant que je ne comprenais pas, elle ma expliqué que la nuit dernière on était rentré chez elle et qu’on lui avait volé tous ses bijoux et d’autres objets de valeur, «On a retrouvé un couteau avec lequel le voleur à forcé la porte d’entrée et tous les tiroirs, c’est la police qui l’a gardé », puis elle a décrit le couteau en question, qui ressemblait étrangement à mon Laguiole. Je suis rentré chez moi, et me suis dirigé directement dans la cuisine, où effectivement mon Laguiole avait disparu. Le voleur était donc bien rentré chez moi pour prendre le couteau et l’utiliser chez la voisine.
Ce couteau m’avait été offert par une amie d’enfance et j’avais l’intention de le récupérer. Après l’avoir annoncé à ma voisine, je me suis donc rendu au commissariat de police du quartier, et j’ai réclamé mon couteau. Ils ne voulaient pas me le rendre car s’était considéré l’arme du crime et la seule preuve, mais j’ai tellement insisté et bien prouvé que le couteau était à moi, qu’ils ont fini par me le rendre.
Nina Millet (d’après une histoire racontée par Michel Millet / From a story told by Michel Millet) – Texte / Text
Histoire écrite en français / Story written in French