Nous sommes encasernés depuis un mois, Abed et moi. Le hasard a fait que nos affectations soient au même endroit, et pire, nous occupons deux lits superposés ! (Ils nous ont logés par ordre alphabétique). Je squatte le lit d’en bas et Abed est au-dessus.
À l’époque, on nous disait que le sport pouvait vous permettre d’échapper aux corvées, et comme j’étais en pleine forme et que je tournais pas mal en football (demi-droit), je me suis inscrit dans l’équipe de foot. Abed, quant à lui, s’est mis en tête de s’inscrire sur la liste hand-ball. Il n’avait jamais touché un ballon de hand ! D’ailleurs, pour lui, le monde du sport, c’était une autre galaxie.
Vint enfin le jour des sélections définitives et les joueurs retenus furent affichés. Quelle ne fût ma surprise de me retrouver dans l’équipe de hand et, le comble, Abed dans celle de foot ! On a bien essayé de réclamer, mais c’était cela ou la galère. Nous acceptons.
Le premier match de hand de ma vie fut une véritable corvée ! Cela consistait à rencontrer l’équipe de Hussein Dey, qui était l’une des meilleures équipes d’Algérie à l’époque. La taille moyenne du joueur d’en face devait être 1m90, pour 80 kg ! Pour ma part, je rendais 56 kg sur la balance… Je refuse tout net de rentrer sur le terrain. Nous étions une véritable équipe de pieds nickelés : deux d’entre nous savaient jouer et les autres faisaient de la figuration ! Pour résumer tout le toutim, je vous donne juste le résultat à la mi-temps, car il est encore gravé dans ma mémoire 30 ans après : 18 buts à 1 !
J’entends notre coach dire au repos :
– Rien n’est perdu les gars, on les surprend d’entrée de jeu, on remonte et on joue pour gagner !
Par décence, je me refuse à vous en dire plus sur la suite du match ; tout ce que je peux vous affirmer, c’est que ce fut notre unique match, l’équipe étant dissoute le jour même ! Nous qui voulions faire du sport pour voir du pays, nous fûmes consignés quatre mois à la caserne !
Et mon pote Abed, avec l’équipe de foot ? Il est hallucinant ! Positionné au poste d’arrière gauche, il touche son premier ballon dans le premier quart d’heure et ne sachant trop quoi faire avec, il le pousse devant lui et galope comme un damné derrière ! Il traverse tout le terrain, arrive dans la surface de réparation et se fait descendre net ! Pour vous expliquer le topo : on ne jouait pas sur du gazon, mais sur une sorte de terrain lunaire, dont les minuscules roches remplacent avantageusement la râpe à fromage. La chute de Abed lui fit faire un « râpage » sur le ventre de 4 ou 5 mètres ! Direct à l’infirmerie et fin de carrière pour notre champion !
N’empêche, grâce à lui il y eut pénalty, transformé et la victoire 1-0 à l’arrivée. Il en fut informé le lendemain, à sa sortie, momifié, de l’infirmerie.
Abed ne faisait que commencer son aventure militaire, le meilleur était à venir…
Habib Amar – Texte / Text
Histoire écrite en français / Story written in French