Dernier jour à Alger et, comme chaque jour, je fouille ma boîte facebook en quête d’amour et de signes d’amitiés : combien de j’aime, de notifications… Et aujourd’hui voilà que sur mon mur érigé en poitrail, sur lequel j’accroche toutes les petites médailles de fierté que je tire péniblement de la vie, voilà disais-je avant que mon côté militaire en fin de carrière ne vienne interrompre cette phrase qui aurait pu être courte, voilà que je tombe sur ce message réjouissant d’Elodie :
Il se trouve que dans ma bibliothèque, Un homme louche est à côté des histoires vraies de Sophie Calle. Drôle de hasard. Comme ce voisinage m’a amusée, je vous en livre une:
La rencontre
Je l’ai rencontré dans un bar en décembre 1989. J’étais de passage à New York et il a proposé de me loger. J’ai accepté. Il m’a donné son adresse, tendu les clés, puis il a disparu. J’ai passé la nuit seule dans son lit. Sur un bout de papier découvert par hasard sous un paquet de cigarettes, j’ai lu : « Résolutions pour la nouvelle année : ne plus mentir, ne plus mordre. » Ce fut mon seul indice. Quelque temps plus tard, je l’ai appelé de Paris pour le remercier. Il a proposé de me rejoindre et m’a donné rendez-vous le 20 janvier 1990, aéroport d’Orly, neuf heures. Il n’est pas venu. Le 10 janvier 1991, à dix-neuf heures, le téléphone a sonné : « C’est Greg Shephard, je suis à Orly, j’ai un an de retard. Voulez-vous me voir ?»
Sophie Calle
Des histoires vraies, Actes Sud, p. 45
Depuis que je suis arrivé à Alger il neige et pleut, j’ai honte de sortir, je m’en sens responsable, mais les Algérois en ont tellement vu d’autres, ils font comme si je n’y étais pour rien. Quand même il est temps que je parte, qu’ils profitent du soleil. Les nappes phréatiques sont toutes pleines. Le ministre de l’Agriculture a entendu parler de moi. Je vais me cacher à Oran. Là-bas, ils vivent la nuit, paraît-il, le temps pourri doit poser moins de problème.