Il y a très peu de feux rouge à Tanger. Les gens traversent non pas n’importe comment, mais dans les clous serait exagéré. Ils traversent, comme les voitures circulent. C’est un effort permanent d’adaptation à l’autre. Chacun se rend à un endroit, et chacun fait un petit effort pour permettre à chacun de passer.
Quand il y a un feu rouge, comme celui qui est tout près de la place de France, c’est un feu rouge bien plus inquiétant que n’importe quel feu rouge français. Pour preuve cette vidéo :
Pendant trente secondes, le bonhomme est vert : il court. Il semble fuir quelque chose. D’ailleurs, dans les dix dernières secondes, il accélère sa course et sprinte. Va-t-il s’en sortir? Non. Le feu passe au rouge, la sentence est terrible : on retrouve le bonhomme mort, légèrement penché, bras allongés dans le prolongement du corps. Le trait rouge qui le représente est comme la trace d’une craie rouge sur l’asphalte à l’endroit où l’on a retrouvé son corps, peut-être même au milieu du passage piéton. Pendant soixante secondes, le mort clignote, toujours incliné, comme pour prévenir les têtes brûlées qui souhaiteraient se jeter sous un camion. J’imagine une minute ce qui pourrait m’arriver après l’accident : mon corps changé en bonhomme rouge clignotant… et je comprends pourquoi il y a si peu de ce genre de feux rouge. Parfois, il vaut mieux vaut traverser comme on peut sans penser à la suite.