Histoires vraies du Haut-Jura

Un rêve de cabanes, par Maryse

5 décembre 2021

Temps de lecture : 3 minutes


Une histoire collectée en 2021.

 

Transcription de l’histoire audio

Un chalet en bois ronds, à La Pesse.

Bien qu’habitant très près de Saint-Claude, je me suis retrouvée interne au lycée de Saint-Claude pour des raisons financières. Donc d’abord au lycée de filles et puis au lycée de filles il y avait une petite tradition  : les bons élèves on les mettait dans les sections classiques, donc au lycée de garçons. Donc à 11 ans et quelques mois, je me retrouve dans une classe du lycée de garçons, en sixième. Moi j’étais un peu paumée, enfin moyennement, et j’avais remarqué qu’à l’internât, il y avait pas mal de filles du Haut-Jura qui étaient vraiment bien perdues, qui étaient encore vraiment des filles de paysans. Alors certaines avaient encore l’odeur des vaches au dortoir. Enfin bon, c’était particulier.

Et puis dans la classe de 6ème du lycée de garçons, il y avait un seul garçon fils de paysan que j’avais repéré parce qu’il était plus pataud, parce qu’il avait sa grande blouse grise, parce que il était un peu paumé : il s’appelait Alain Villermot. Comme moi je m’appelais Villermet, on s’est un petit peu rapprochés. Il a été d’une famille nombreuse, moi aussi. Bon, on a tout de suite eu des atomes un peu crochus, mais en sixième il me tapait dessus et je me sauvais. Il n’y avait pas plus de moyens de montrer qu’on s’aimait bien quoi, enfin surtout lui. Et il parlait beaucoup de La Pesse, de la ferme de ses parents et qu’il faisait des cabanes, beaucoup de cabanes dans les bois. Ça faisait pas beaucoup avancer son intégration dans cette classe de 6ème de Saint-Claude où les autres étaient quand même des enfants de petits industriels, de commerçants, etc.

Je crois qu’on s’est rapprochés aussi parce qu’on était les deux seuls pas très riches et un peu paumés de la classe. Nous continuons nos vies, je pense qu’en quatrième on a changé de classe. De temps en temps j’avais de ses nouvelles, mais vraiment on s’est perdus de vue. Et puis en 2005, j’étais revenue à La Pesse pour un travail d’écriture, et puis je faisais aussi des interviews en quelque sorte. On me dit : « Mais il y a Mémot qui a vraiment une histoire particulière ». Je dis : « Mémot, Alain Villermot ? ». « Bah oui, Alain Villermot : Mémot. C’est lui qui a créé l’entreprise des Bois Ronds  ». Je suis vite allé le voir et effectivement les gens de La Pesse connaissent cette entreprise, c’est une très grosse entreprise qui fabrique des maisons en bois rond et qui a très bien prospéré.

Donc je suis arrivée et j’ai trouvé mon Mémot dans son bureau, pas un homme d’affaires mais quand même un chef d’entreprise opulent. On s’est souvenus de nos années de sixième et puis il m’a raconté une histoire vraiment assez extraordinaire parce qu’il m’a dit : « Oui moi j’ai toujours rêvé de cabanes, j’ai toujours construit des cabanes. J’avais aussi lu Jack London, enfin tous les écrivains Canadiens – alors que moi je ne le voyais pas en train de lire –  et mon seul rêve c’était de construire des maisons en bois rond. Ce que j’ai fait, j’ai construit une première sur le terrain de mon père avec un copain : c’était tout branlant, c’était tout moche mais enfin c’était une maison en bois rond. Ensuite on en a construit d’autres et j’ai réalisé mon rêve. » Je lui demande ce qu’était son rêve et il me répond : « Qu’il y est partout, tout autour à La Pesse, des maisons en bois ronds ». Et c’est vrai, il y en a.

Maryse