Histoires vraies du Dedans

Sans elle je serais mort, par Matei

27 novembre 2021

Temps de lecture : 2 minutes

Cette histoire est tirée du volume 1 des Histoires vraies du dedans dans le cadre des ateliers menés en 2015-2016 dans les centres pénitentiaires des Baumettes à Marseille et Toulon-La Farlède, le centre de détention de Tarascon et à la Valentine, dans l’établissement pénitentiaire pour mineurs.


J’ai 27 ans. Je suis né le 2 février 1989 à Urziceni, je suis marié, j’ai trois enfants, ma famille entière est ici en France et moi je suis ici à Tarascon, en prison. À 17 ans, avant que je me marie, j’étais petit, je chapardais à la campagne, chez nous. J’allais aux pastèques, au maïs, on avait des chevaux, une charrette, à cette époque là. On était pauvres, comme on dit. À un moment donné je suis allé avec des Tziganes du côté de Găeşti, parce qu’on y avait besoin de bras pour creuser des fossés pour les conduites de gaz. Et ils m’ont bien eu, ils m’ont dit qu’ils me donneraient 800 000 par jour (à l’époque, environ 20 euros) et au bout d’une semaine, deux, toujours pas un sou. J’ai fui Găeşti quand j’ai vu la tournure que ça prenait. Je suis monté dans un maxi-taxi (Minibus qui assurent des liaisons dans les villes et à travers tout le pays. Ils appartiennent à des sociétés privées qui compensent le déficit de transports en commun ou les concurrencent) et direction Urziceni. Deux trois mois ont passé, je me suis marié, avec une fille de Sineşti, Iuliana et je me suis séparé de ma famille. Mon père, de toute façon, est pas mon vrai père. Le vrai m’a abandonné quand j’avais 7 mois et aujourd’hui encore personne ne cherche à me voir, à part ma femme. Sans elle je serais mort. Enfin pas mort, mais dans un sale état. Elle vient au parloir, on a trois enfants, ça fait onze ans qu’on est ensemble… Il me reste 10 mois et j’ai dit qu’on resterait pas en France, on va rentrer, parce que faut voir où j’en suis arrivé, ici… Je suis arrivé à 20 ans en France et il n’y a eu personne pour m’enseigner, pour me donner un bon conseil…

Ici à Marseille, une association nous a donné un appartement, et c’est de là que je connais le monsieur [François Beaune]. Ce sont mes grands-parents qui m’ont élevé. Ma grand-mère est morte, mon grand-père a 83 ans et sans lui j’aurais atterri dans un orphelinat. Quand j’étais petit, j’allais chez les gens, travailler à la journée, le temps qu’il m’élève… Puis il y a eu l’affaire de Găeşti.

Matei, Tarascon 2016. Traduit du roumain par Laure Hinckel.