Histoires vraies de Haute-Provence

Le parfum du romarin, par Viviane

28 mars 2021

Temps de lecture : 3 minutes


Une histoire collectée le 20 mars 2018 à Revest-du-Bion

Transcription de l’histoire audio

Comme chacun sait, je ne suis pas originaire de la région : je suis née en Champagne-Ardennes dans une petite bourgade qui s’appelle Rethel, au sud du département des Ardennes. J’ai été longtemps enseignante à l’Éducation nationale, puis un jour j’ai eu l’occasion de passer à l’enseignement agricole où je me suis occupée particulièrement d’apprentis. J’ai dirigé un petit centre d’apprentis. Et puis, la vie privée étant ce qu’elle est, j’avais un peu de soucis et un beau jour est arrivée sur mon bureau une lettre du directeur général du lycée agricole de Carpentras qui demandait à tous les directeurs en poste si ça les intéressait de venir prendre la succession du directeur qui partait à la retraite, M. Trouillas, pour ne pas le citer qui a un nom bien d’ici.

Je rentre à la maison avec cette lettre, je la montre à mes enfants, deux grands ados, je leur dis : « Voilà, qu’est-ce que vous en pensez ? ». Ils me disent : « Peut-être que c’est l’occasion de partir, comme ça tes ennuis arrêteraient. ».

Alors première chose qu’on fait, on déplie une carte et puis on cherche où est Carpentras. Nous, du nord, on était venus passer des vacances, Agde, Valréas, le Roussillon, tout ça. Mais Carpentras, on ne savait pas ! On a pris le Rhône, on a cherché, pourtant Avignon c’est la préfecture, la préfecture, elle est au milieu du département ! Alors quand on a fait le tour, on a trouvé Carpentras !

Et là, j’ai téléphoné au directeur de Carpentras en lui demandant s’il voulait bien me recevoir pour un entretien. Ça se passait en avril 1989. Il me dit oui et me donne un horaire précis de rendez-vous. Et moi, pour aller de Rethel à Carpentras, il fallait que je prenne le train. Alors Rethel est directement relié à Paris en passant par Reims, Épernay, tout ça. Il fallait que je parte après ma journée de travail, il n’y avait pas moyen de faire autrement. Le directeur pour qui je travaillais voulait bien me donner une journée pour l’aller-retour mais pas plus. Donc, 20h30 le train à Rethel qui nous mène à Reims. À Reims, on change de quai et on prend le train qui s’appelle le Dijonnais, un train de nuit direct entre Lille et Marseille, avec couchettes. C’était la première fois de ma vie que je prenais un train de nuit, vous savez comment c’est, vous êtes balancé, roulis, tangage aussi un peu, un voisin qui ronfle, un autre qui sent pas bon, enfin voilà…

Arrivée un peu avant Dijon, entre Chaumont-sur-Marne et Dijon où je commençais quand même à m’endormir : changement de voie. C’est-à-dire qu’on trie les wagons et qu’on les transporte sur une autre voie. L’endroit s’appelle Culmont-Chalindrey. Tous les hommes qui ont fait leur service militaire et qui sont venus en garnison dans l’est connaissent cet endroit.

L’échange a lieu je ne sais pas vers quelle heure mais je dirais vers minuit-1h du matin. Donc changement, Dijon et puis très vite Avignon. Un préposé dans le train vous réveille en fonction de votre billet. J’arrive à Avignon à 4h30 peut-être. J’avise ce qu’on appelait le café de la gare, pour me réveiller un peu. Et puis je me dis maintenant que je suis à Avignon, il faut que je trouve Carpentras.

Heureusement, Avignon centre, la gare routière est juste à côté, donc je trouve un bus qui démarre vers 7h du matin et qui va jusqu’à Carpentras. Une heure après, j’étais à Carpentras, bien sûr. Je descends au centre-ville de Carpentras. Et là, je demande un peu autour de moi si on connaît le lycée agricole. Les gens me disaient : « Non pas de lycée agricole, pas de lycée agricole… ». C’est pas possible ! Je vais voir les chauffeurs de taxi, je me dis qu’en principe, ces gens-là sont au courant des adresses. Y’en a qui me dit : « Ah vous voulez parler du lycée de Serres ? » Ah ! Je lui dis : « Oui c’est à Serres, mais je ne sais pas où c’est ». Il me répond : « Je vous emmène».  Donc ce brave homme m’emmène à Serres, en gros un quart d’heure, 4 kilomètres. Il me dépose là, c’était un jour où il pleuvait légèrement, vous savez, une fine bruine comme j’avais l’habitude d’en connaître moi. Comment dirais-je, juste ce qu’il faut pour mouiller les végétaux. Je descends de la voiture, et là… le lycée avait toute une rangée de romarins qui bordaient le lycée sur plusieurs dizaines de mètres. Et alors, cette odeur de romarin, voilà. Ça fait bientôt 30 ans, je l’ai toujours dans mes narines, toujours dans ma tête.

Viviane