Histoires vraies de Haute-Provence

Le lion extra-terrestre, par Brigitte

14 mars 2021

Temps de lecture : 4 minutes


Une histoire collectée le 28 mars 2018 à Revest-des-Brousses

Illustration du texte par Fanny Blanc, parue dans La Provence.

Transcription de l’histoire audio

 Ketty, c’est ma secrétaire de mairie et mon amie. On était toutes les deux à l’ancienne mairie qui était un peu plus loin et on m’appelle pour me dire qu’un troupeau s’est fait attaquer.

Pour voir comment Brigitte est devenue maire : Vocation précoce, par Brigitte.

Je vais sur place et effectivement je vois les brebis. Je ne rentrerais pas dans les détails, ce n’est pas intéressant, mais c’était assez difficile. Donc je rencontre le berger. Le berger était choqué, mais vraiment très choqué. Et puis je rencontre aussi un monsieur qui n’habite pas loin de l’endroit où s’est passé le drame et il me dit : « Je pense que c’est un lion qui a fait ça, parce que je l’ai vu. Il avait une crinière rousse et il a attrapé la brebis et tchac, tchac, tchac… C’était un lion ». Je connaissais le monsieur, je savais qu’il était sérieux. Il avait pas l’air d’avoir bu non plus. Il avait l’air d’être sain d’esprit, donc je lui dis : « Vous êtes sûr, quand même, un lion ? » Il me répond : « Oui, oui, c’était vraiment… on aurait dit un lion, une crinière et tout, c’était un lion ».

Je me renseigne et il se trouve qu’il y avait un cirque à Forcalquier. Et je me dis : « Pétard, le lion s’est échappé et il est à Revest-des-Brousses ». Au secours ! Donc, on appelle le lieutenant de louveterie, la gendarmerie, tout le monde. On vient, ils regardent. Ils disent : « Non, ce sont des loups, un lynx ou un animal un peu sauvage ». Je me suis dit que l’histoire du lion tenait. Donc on cherche, on cherche et puis finalement, non. Le cirque nous dit : « On n’a pas perdu de lion ! Ils sont tous là, il n’y a pas de soucis. ».

Le plateau d’Albion évoqué par l’homme entré dans la mairie. Crédit.

L’histoire ne s’efface pas et deux, trois jours après, je suis à la mairie avec Ketty et il y a un bonhomme qui rentre.

– Il me dit : « Madame, je viens pour l’histoire des brebis qui ont été attaquées. Je voudrais rencontrer le berger pour savoir comment ça s’est passé ».
– « Non, non, le berger vous le voyez pas. Il est choqué. Il est avec son fusil. Il veut tirer sur tout le monde parce qu’il a peur du moindre truc. Non, non, le berger, on l’embête pas, on le laisse tranquille. »
– « Mais, si, si, si, parce qu’il faut que je sache exactement ce qu’il s’est passé parce que je crois que ce sont des « petits gris ». »
– « Des petits gris ? C’est quoi ça ? Des petits gris ? »
– « Alors, le gars me regarde, très sérieux : Vous savez du côté de Saint-Christol, là-bas, il y a un sous-sol – le sous-sol 51 ou je ne sais pas quoi. Là, l’armée garde des extraterrestres…  et de temps en temps, ils sortent et il faut qu’ils se nourrissent. »

On ne se regarde pas avec Ketty parce que si on l’avait fait on aurait pouffé, on aurait même éclaté de rire. Je pensais que c’était un fou qui s’était échappé d’un asile.

– « Non, non, mais qu’est-ce que vous m’expliquez là ? Je ne comprends pas. »
– « Si, si, si, je vous assure, mais, nous les Français et vous, vous n’avez rien à craindre parce que les Français ils les attaquent pas parce qu’ils trouvent qu’ils sont gentils. Mais par contre les Américains, ils les dévorent. »
– « Écoutez, vous êtes en train de me faire une blague ! »
– « Non, non, non : je suis du CNRS. »

Il sort sa carte. Là je me dis, il est du CNRS, soit, mais c’est un fou.

– « Je suis du CNRS et vraiment il faut que j’aille voir le berger. Il faut que je vois les moutons, comment ils ont été attaqués, comment ils ont été mordus. Pour savoir quel type de petit gris il s’agit. Mais ne vous inquiétez pas, vous pouvez venir avec moi. Nous on est Français, il n’y a pas de soucis. »
– « Et, là j’ai mis fin à l’histoire en disant : « Écoutez monsieur, on a tous subi un choc. Ça a été difficile. Je suis désolée, vous me laissez votre carte et je verrai ce que je ferai plus tard, mais là le berger, on le laisse tranquille. Voilà, vous n’allez pas le voir. »

 

Un chow-chow.

Je lui ai pas dit, mais je pense qu’il lui aurait tiré dessus franchement. Donc le bonhomme part, j’ai sa carte et je téléphone au CNRS. Je demande si ce monsieur existe. Eh ben oui ! Il existait et c’était un type apparemment très sérieux. Mais moi, je n’ai pas pris l’histoire au sérieux et voilà ! Après on a su que c’était des chow-chow, donc il était pas complètement fada le propriétaire, celui d’en haut parce que le CNRS je ne sais toujours pas, il n’est plus jamais revenu.

Mais, c’était vraiment un chow-chow. C’était quatre chiens qui s’étaient échappés, dressés pour tuer. Ces chiens ont de grosses crinières qui pouvaient ressembler à celle d’un lion ! Mais en tout cas, c’était une histoire assez folle. C’était au tout début de mon mandat. Je me suis dit : « Les gens sont fous, ça commence bien ! » 

Brigitte