Histoires vraies du Haut-Jura

La nuit qui pue, par Élaine

27 décembre 2020

Temps de lecture : 3 minutes

Une histoire collectée en décembre 2020 aux Bouchoux.

 

Transcription de l’histoire audio

Petite histoire qui m’est arrivée au Canada, mes filles à cette époque étaient toutes petites et je retournais au Canada régulièrement l’été. Tous les étés, j’allais passer deux mois au Canada. C’est une histoire qui s’est passée là-bas, dans un chalet au bord d’un lac. Donc j’étais avec une de mes sœurs, nos enfants étaient couchés, on était relaxées et on a regardé une émission, un documentaire jusqu’au milieu de la nuit. Le chalet en question était celui d’une autre de mes sœurs. Il y avait un système de toilettes très très particulier, c’est un système de toilettes compostables. On pouvait pas mettre trop de papier toilette dans les toilettes. Ce type de toilettes est très particulier parce que ce n’est pas vraiment des toilettes sèches, il fallait vider un sac de terre tous les jours pour que le système puisse fonctionner et que tout se composte.

Après le documentaire, il était peut-être une ou deux heures du matin, nos enfants étaient couchés. Elle en avait deux et moi j’avais mes deux filles à ce moment-là. Donc on se décide de faire le compostage des toilettes, on descend dans le sous-sol et c’était mon autre sœur qui devait ouvrir le sac et le mettre dedans. Au moment où elle a ouvert le sac, j’ai senti qu’il y avait quelque chose qui allait capoter. Du coup, je me suis assise sur l’établi, elle ouvre le sac, elle le met dans le bac où il fallait et il y avait une manette à tourner. Au moment où elle tourne la manette il y a eu un débordement de grosse merde, du caca partout dans le sous sol de ma sœur qui n’était pas là parce qu’elle nous avait prêté son chalet pour le weekend.

Elle nous avait bien dit : « Mettez pas trop de papier, patati et patata… » Puis bon, vu qu’on avait quatre enfants, plus nous deux, on avait pas trop fait gaffe aux consignes. Il y avait donc une couche de merde, liquide, partout dans le sous sol. Donc on a passé toute la nuit a écoper du caca et à mettre ça dans des sacs poubelle. On était deux, en chemises de nuit retroussées dans nos culottes avec des gants de caoutchouc rose à mettre du caca dans des sacs poubelle. On était dans un état de panique parce qu’on était pas chez nous puis la sœur qui nous a prêté son chalet est très méticuleuse, tout est propre tu peux manger par terre. Là tu ne pouvais plus manger par terre, c’est clair.

Il y avait une espèce de sur-plancher en bois au-dessus de la chape de béton donc fallait passer, il y avait des petits trous. Fallait passer une cuillère pour aller chercher le caca entre deux planches : c’était horrible, horrible. Quand on a eu à peu près fini d’éponger, moi j’étais là : « J’ai envie de vomir ! » Mon autre sœur me disait : « Mais vomis pas ! On va pas ramasser du vomi en plus du caca ! C’est trop ! » Donc on a mis tout ça dans des sacs poubelles et le chalet était isolé, donc à 3, 4 ou 5 heures du matin, je me souviens plus, on prend tous ces sacs poubelles et on les embarque dans la voiture pour aller les mettre dans des poubelles qui étaient à dix kilomètres de là !

Il y aurait eu des gens qui nous auraient vues, ils pouvaient penser que c’était un meurtre. On avait les chemises de nuit retroussées, les gants de caoutchouc avec des sacs poubelle en plein milieu de la nuit.  On a porté les poubelles à 10 km, dans des poubelles d’un club de golf très huppé, c’est la seule chose qu’on avait trouvé. Quand on est revenues – on avait tout laissé allumé évidemment, toutes les portes du chalet étaient fermées à clé. Nos enfants s’étaient réveillés pendant qu’on était parties et ils ont vu des trucs louches un peu parce qu’ils sont descendus et ils nous cherchaient dans le milieu de la nuit. Du coup mes filles qui ont été élevées en France essayaient de téléphoner à la police, à leur père en France. Mais ils ne savaient pas comment se servir du téléphone donc ils n’ont pas su quoi faire.

Ils étaient en panique totale, donc ils ont fermé toutes les portes à clé parce qu’ils pensaient qu’il y avait eu un meurtre : ils ont vu des trucs, des cuillères, des trucs un peu louche. On arrive, les portes toutes fermées donc avec ma sœur on se dit qu’il est arrivé quelque chose à nos enfants. Au final, ils nous ont ouvert la porte et ont été rassurés, mais ils étaient dans une panique totale. Nos enfants nous ont raconté ce qu’ils avaient vécu de l’autre côté et ça s’est terminé dans la nuit puis on a fini de nettoyer le lendemain. On a téléphoné à notre autre sœur pour lui expliquer un peu notre connerie, on a aussi appelé un de mes frères qui était plombier pour savoir quoi faire. Tout s’est bien terminé, il y a juste une de mes filles qui a eu vraiment peur, mais aujourd’hui c’est assez rigolo !

Élaine