Histoires vraies de Haute-Provence

Le Cairn 2000 et l’arbre de vie, par Félix

25 octobre 2020

Temps de lecture : 3 minutes

En 1936, lorsque le département a proposé de faire le domaine skiable dans la montagne de Lure, figurez-vous qu’ils sont venus à Cruis. C’est ici que cela devait se faire et je vais vous dire pourquoi. Ils avaient fait une étude : l’enneigement était beaucoup plus important du côté Cruis que du côté Saint-Étienne.

Les élus de l’époque, je crois que c’était Gain ou Gondrand. De toute façon ici, pendant 100 ans, ça a été un coup Gain, un coup Gondrand, un coup Gain, un coup Gondrand, jusqu’à ce que j’arrive moi, d’ailleurs. Les élus de l’époque ont refusé, pour des raisons qui devaient leur appartenir. Il n’y a pas trop de détails à la Libération. Ils ont proposé à Saint-Étienne (à l’époque c’était peut-être Castres qui était le maire et conseiller général), il a accepté et la station de ski s’est faite là où elle est en ce moment. Mais elle devait se faire sur Cruis.

Quelques années après, ça été l’inverse. L’association des PDIPR (Plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée, ndlr), c’est-à-dire des chemins de randonnée, la DRI pour faire court, est venue pour construire un cairn, le cairn 2000 pour marquer l’an 2000. C’était paraît-il considéré comme la fin du monde. Je ne sais pas si vous souvenez à cette époque là, y’a quelques illuminés dont Paco Rabanne, qui avait parlé de la fin du monde, bon bref je vous parle de lui parce que je l’ai entendu plusieurs fois à la télévision le dire. Et donc, ils voulaient construire un cairn qui soit un lieu de rencontre et de rassemblement de tous les randonneurs du département ou du moins une grande partie du département.

Et, ils sont allés à Saint-Étienne pour demander de faire ça. Le maire, à l’époque c’était Arnoux. Il les a envoyés promener. Bon, moi, ils sont venus me demander. Il y avait Bruno encore, un de mes adjoints qui est mort d’un cancer en 6 mois, à 45 ans, j’y pense tous les jours, j’y pense tous les jours. Et Bruno était tout fait pour. Moi j’étais pour; et le cairn s’est construit sur la commune de Cruis. Aujourd’hui, il y a des milliers de randonneurs qui vont au cairn.

Le Cairn 2000, situé sur la commune de Cruis, à 1594m d’altitude.

Nous, on a instauré la ronde des Jas qui va au cairn. Parce qu’on avait trois jas dans la montagne de Lure : le jas de Pierrefeu, le jas Neuf et le jas de Roche, que j’ai acheté en 1990. J’avais acheté 130 hectares dans la montagne de Lure à la famille Moutte, où il y avait ces trois jas qui étaient en ruine. On les a restaurés et on a fait la ronde des jas qui existe toujours. Quand on l’a inauguré, on était peut-être un millier là-haut, il fallait voir. C’était pour le passage de 1999/2000.

Et ce cairn, et ben, on y tient.

Guère de temps après, mon adjoint est mort d’un cancer. Il avait 45 ans et c’était un ami surtout, l’adjoint, c’est anecdotique. Il est mort à 45 ans, et il m’avait dit : « S’il doit arriver quelque chose, tu mettras mes cendres au Cairn. »

Et je l’ai monté là et on a dispersé ses cendres autour du cairn. J’en avais mis une poignée au pied d’un arbre qui y est toujours. Quand ils ont voulu couper les arbres, j’ai pas voulu qu’ils coupent celui-là. On a une forêt communale la plus importante du département sur Cruis, 2000 hectares. Quand on est monté en haut, il y avait des îlots, des îlots d’arbres. Quand on a dispersé les cendres, il en est resté un peu au fond, il y avait un petit pin et moi j’ai pris les cendres et je les ai mises autour.

Le pin a poussé, parce que c’était en 2002 ça. L’année dernière ou il y a deux ans, l’ONF a dit qu’il fallait qu’on élague tous ces pins pour rendre un peu la montagne de Lure dans le cadre de Natura 2000, voilà ! Et quand ils sont arrivés à cet arbre, j’ai dit : « Celui-là, vous le touchez pas. »

Ce qui fait que si vous montez là-haut, vous voyez un arbre, un pin qui fait à peu près 4 m de haut. Ça pousse pas si vite que ça, parce qu’il y a beaucoup de pierres. Il n’y a plus rien autour, mais il reste ce pin et j’espère qu’il restera encore, longtemps. Voilà !

C’est l’arbre de la vie.

Félix, histoire recueillie à Cruis.