Prochain arrêt : le rendez-vous

2 novembre 2012

Temps de lecture : 5 minutes

Nous suivions une vitesse extreme, un rthyme presque fou. Dominé par un esprit omni-potent, nous écrivions courageusement les lignes d’un certain éloge de la folie et transferions modestement notre énergie aux pages complémentaires de l’oeuvre d’Erasmus. Le grand intellect dont le nom était le notre…

Cette nuit du premier novembre, j’étais presque mort de fatigue au moment ou j’ai vu le message de Vectorya sur le fameux reseau social, notre seul lien. Venions-nous de feter l’anniversaire d’un ami? Je ne sais plus. C’était peut-etre, un tonus, une soirée étudiante dans le langage de notre ville, Nantes.

“Vas-y, Ali. On va à Marseille. Et, tu viens avec nous. Ça sera entre le 19 et le 22 novembre. Ciao ciao.”

Je me suis vite, tres vite endormi. Je n’avais aucune intention d’y aller après cette longue semaine de voyage jusqu’à San Sebastian. En fait, la raison m’exigait ainsi à l’encontre de mon pur souhait. Le matin suivant, j’ai voulu lui écrire un message court. J’étais un peu triste de ne pas pouvoir y aller avec ces amis avec qui j’entandais bien. Pourtant, la fatigue, c’était la fatigue; la fac, c’était la fac et la compte de banque, c’était, bien évidemment, presque vide. Determiné par la decision que j’ai prise, j’ai jeté un coup d’oeil sur mon agenda pour les semaines qui arrivaient. J’ai ouvert mon compte et y ai vite tapé;

“Carrément. On y va… Ciao ciao”

Seul à la sortie de l’aéroport, je fremissait de fatigue, même sans jamais comprendre la gravité de mal à ma gorge. Il faisait un temps splendide en mi-novembre. Ne sachant pas où aller, j’ai pris le bus vers le centre-ville. Difficile à decrire ce chaos… Un chaos difficile à decrire mais pas inouî, même bien connu, et, en tout cas, pas étrange. Ce matin de novembre, deux jours avant l’arrivé en groupe de mes amis, j’étais à Marseille.

Entouré par une vitesse aveuglante, je pourrais bien me croire dans un vieux quartier peuplé d’Istanbul. Pourtant, cette couleur bien familière se confondait avec le sentiment qui m’était inscrit depuis deux mois et demi, à Nantes. Ce chaos et cette vitesse m’étaient connus, voir présents en moi avec toute sa profondeur. L’énergie bouleversant du climat de la Méditerranée m’embrassait fort. Pourtant encore, l’ordre et la tranquilité qui regnaient dans notre ville d’Erasmus n’étaient pas du tout présent dans ce coin du monde. Et d’une maniere étrange et puissante, je me trouvais la chercher. Plus bizarre encore, chaque fois que je voulais comprendre ce sentiment, je ne me confrontais qu’à une image, celle du métro. Alors, j’allais bientôt comprendre ce mystère.

Pendant tout le travail minutieux mené ensemble dans la petite cuisine du Cité Universitaire ‘Berlioz’, dans cette salle de réunion et parfois de fêtes, je n’avais pas eu le moindre soucis de règler le problème de mon logement pour ces deux nuits supplémentaires. Pire encore, je n’avais absolument pas jeté l’oeil sur une carte de la ville, pour comprendre les alentours des hostels que nous avons reservé. Je me suis vite adressé vers le Vieux Port. Grâce à ce seul indice dans ma tête, suite à une balade quasi tranquille d’une heure et demie, j’ai trouvé le hostel dont je retenais bien le nom.

J’ai pu, à la fin de ce trajet ‘a la turca’, prendre ma clé. Une clé qui m’offrait, pour ces deux nuits, la tranquilité. Je me sentais fier de mon courage, inouî à mes yeux. J’étais là, pret pour le grand rendez-vous; la cause de mon voyage seul à Marseille deux jours avant mes amis.

‘Le Revolver de Maigret’ à la main, j’ai passé toute la journée en me baladant dans les rues du Vieux Port. L’après-midi, j’étais vers le bazaar arabe, et des quartiers où j’ai vu la Conservatoire de la Ville. Je ne me souviens plus où je me suis vraiment rendu. Peu importe, tout était dans son ordre. La grande rencontre allait suivre cette journée libre. Le soir, j’ai trouvé la meilleure solution possible dans les salons du cinéma. J’ai pris ma place pour deux films; ‘Le poulet aux prunes’ et un autre dont je n’avais aucun besoin de suivre les sous-titres qui couraient; ‘Il était une fois en Anatolie’ de Nuri Bilge Ceylan. A la fin de la soirée, les sons cinématographiques restaient incapables à surpasser le bruit que je faisais en toussant. J’avalais difficilement et oui, j’étais gravement malade.

Le matin, point d’énergie, pas de voix, pas un seul mouvement… Je n’ai pu ouvrir mes yeux que vers quatorze heures… Inutile, même, de se soucier de l’heure; c’était trop tard. Je suis resté dans mon lit pour toute la journée. Mon rendez-vous… Je l’avais raté.

Le samedi, me sentant mieux à l’aide d’ordonnance de l’hôpital public de la ville, j’étais à la sortie du métro, pret à accueillir mes amis. J’allais beaucoup mieux, très content de leur arrivé qui me signifiait la fin de mon exil dans ces coins du port. Je ne leur ai point dit. Comme tout proche qui sait développer un lien sacret, ils ont pu saisir sans aucun mot, le malheur et la deception de leur ami. Tous les moments qui peuvent paraître courts mais qu’on avait partagé ensemble avaient batî, dans leurs coins cachés, un lien puissant et profond entre nous. Je ne leur ai point dit. Ils m’ont point demandé. Nous nous étions entendus et compris.

Les trois jours qui nous restaient, nous y avons suivi le rhytme fou de notre esprit commun. Ensemble, nous avions beaucoup à faire, et nous n’avions que peu de temps. Les calanques, Notre-Dame, L’ile d’If et son Chateau sous les traces de Comte de Monte Cristo, les rues et les bars du Vieux Port… La cuisine ensemble, les repas braziliens, turcs, le vin français, des mots allemands… Ils ont tous été des témoins de ces amis venant d’un autre coin de l’Hexagone. Nous avions, ensemble, réussi notre rendez-vous marseillais qui demeure, depuis, inoubliable.

J’ai, toute à l’heure, vu dans la rubrique d’un journal, le nom d’un constitutionnaliste, le nom de mon ‘grand rendez-vous’ en fait. Je suis, désormais, loin de Marseille, plus loin encore de Nantes. De cette ville de mon Erasmus… Pourtant, je me souviens très bien de ma rentrée de Marseille à Nantes. J’avais pris le tram pour monter à ma cité universitaire. Là, j’étais content, très content de ma décision. Je voyais que, moi qui avais raté le rendez-vous avec le pop-star, le fameux professeur, j’avais, en fait, eu ma rencontre. Ma rencontre qui m’imposait aux yeux depuis le début de mon séjour Erasmus… La rencontre des villes et des mondes, des deux tempéramants… Une rencontre qui avait été profondément visible à chaque pas que nous essayions de tracer les lignes de ces chroniques de l’éloge…
Alors, j’avais, un petit peu, réussi à dévoiler le mystère. Depuis, il existe deux types de villes pour moi; des villes qui vous embrassent par une vitesse chaotique et des villes qui vous offrent une tranquilité. Les villes ayant le métro et celles sans lui… Mais, en tout cas, des villes qui vous sont présentes…

Ali Türek – Texte / Text
Histoire écrite en français / Story written in French