Fuir la paix

19 juillet 2012

Temps de lecture : 2 minutes

Toutes nos histoires se ressemblent…
Demandez à n’importe quel Libanais qui a dépassé les trentaines, il n’a que le souvenir de la guerre. Cette guerre civile qui continue même sans combat, envahit notre mémoire collective. Chacun à sa façon.
Il y en a qui ont participé à la guerre, d’autres qui sont restés malgré eux et qui ont enduré. Il y en des personnes qui ont fui, mais ils sont retournés de leur plein gré… Je suis de cette dernière catégorie. De ceux qui préfèrent vivre le pire mais chez « soi ».
J’avais seize ans, je suis partie en voyage pendant l’été chez ma tante et mon oncle. J’étais ravie de les voir et éblouie par la beauté du nouveau pays que je visite. Je me rappelle mon émerveillement et ma joie de découvrir et de m’instruire.
Un jour tout a basculé…l’aéroport de Beyrouth est fermé, je ne pouvais plus retourner. Mon émerveillement devient lassitude… ma joie, tristesse. C’est bizarre combien nos états d’âme peuvent affecter notre vision des choses. J’attendais la nuit pour dormir et rêver de mes parents et de mon pays. Une seule idée devient dominante. Comment et quand pourrai-je revenir au Liban.
Revenir au Liban…revenir à la guerre, au son des obus, à la vue des combattants, aux fuites de l’école pendant un cessez-le-feu, … Fuir la paix, la civilisation, la stabilité, la culture, …
J’ai pu rentrer…l’aéroport était toujours fermé mais je suis revenue à travers Damas pour rejoindre ma famille qui habite à la Bekaa.
Je me demande toujours, si j’étais restée là-bas, si j’avais pu surmonter ma nostalgie, attendre la paix pour revenir…ne serait-il pas meilleur pour moi ? Est-ce qu’il y aurait une prédestination pour nous laisser agir d’une façon et non pas de l’autre ? Est-ce un choix qu’on fait dans la vie ? Des coups de tête ? Ou bien tout est organisé d’avance ?
Je me rappelle d’une phrase de Ghassan Tuéni qui dit qu’une patrie n’est pas un l’hôtel qu’on laisse quand le service est mauvais, l’amour de la patrie est un amour charnel, il ne peut être l’amour platonique. Il faut être toujours prêt de lui toucher sa terre, sentir son air -même pollué- pour pouvoir préserver cet amour.

Dolly Chamoun – Texte / Text
Histoire écrite en français / Story written in French