L’arrivée au Caire

9 avril 2012

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De l’avion, la vue est un nuage de sable, de traits et de formes sculptées par l’homme dans le sable. Des champs de sable et des bâtiments enfoncés dans le sable, délimités par des murs de sable. Comment a-t-on pu s’installer dans pareil désert ?

Le chauffeur de l’Institut français me souhaite la bienvenue, démarre, ouvre une cannette de bière sur le périph’. Je lui demande quelle marque. Il me montre : une bière sans alcool. Berritt. Il veut que je goûte mais je lui dis que je connais. Tourtel. Je me demande si l’esprit de la bière est haram.

Dans la salle d’attente 50 de Carthage Tunis, ils étaient huit, plus un meneur de prière, alignés sur le carrelage en marbre gris, chaussures dispersées autour d’eux, pour la prière de 17h30. L’imam improvisé porte la trace pieuse au front d’avoir raclé le sol depuis longtemps. Un cercle de peau ovale, comme poncé par le sable. Sur les cuisses, à mi-génuflexion, les index droit s’agitent. Les uns frôlant les alliances, la plupart non.

Une femme en burqa est assise avec ses trois enfants, une fille de deux ans, et deux fils de quatre et cinq ans, habillés à l’occidentale (jeans, sweat-shirt Crazy boy, baskets). Elle ne porte pas la burqa intégrale, et on entrevoit ses beaux yeux marron clair. Elle téléphone à travers le tissu. Les manches sont finement ourlées de broderies rouge rehaussées de brillants. Elle porte un foulard rouge sombre sous le noir du drap pieux qui semble d’excellente qualité. Son sac à main est un nœud papillon en skaï rouge.

Les prieurs repassent leurs chaussures et reviennent s’asseoir. Deux des hommes portent des pins du drapeau égyptien sur leurs vestes. La barbe est taillée rase, la cravate rayée grise, un grand nez sort du corps de l’un d’eux, et deux paires de cernes noires.

Trois autres, plus jeunes, s’agenouillent pour prier de l’autre côté de la salle d’attente, dans une nouvelle direction. Les chaussures ont été conçues pour s’enlever et se remettre facilement n’importe où. Tout se passe dans le plus grand sérieux. L’un des trois est un costaud, avec de profondes rides verticales sur le front déjà assez râpé. Le carrelage est trop lisse pour améliorer son stigmate. Un troisième groupe s’ajoute, d’un autre style, l’un portant le keffieh. Eux prient en jogging et pieds nus, encerclés par des tongs.

Nous allons embarquer. Le fils le plus âgé de la femme en burqa se décide à la hâte à faire la prière, un grand sourire aux lèvres, dans n’importe quel sens. Et puis, comme les grands, il remet ses baskets.