Penseé d’une Tunisienne

12 avril 2013

Temps de lecture : 4 minutes

Il faisait un jour d’hiver clair et agité , un froid aigu piquait le visage , faisait pleurer les yeux et l’air cru saisissait les poumons desséchaient la gorge , au bord d’une mer en révolte les souvenirs de ma jeunesse ont refait surface , moi vieillie maintenant , je voyais mon âme plongée dans les années 60 je revoyais l’image de la fille pimpante de jeunesse au blanc fichu , debout devant le père de la nation tunisienne le sauveteur Habib Bourguiba , cet homme à qui on doit le code du statut personnel et l’émancipation de la femme, j’ai été au comble du bonheur, lorsque ‘ il souleva sa main frêle, pour laisser tomber en arrière , mon torchon blanc ( sefeséri )  » mon drap lui qui me privait d’aimer , qui m’interdisait , de vivre , de découvrir.. Il était le voile de tristesse qui m’enveloppait

Plus je m’enfonçais dans la beauté de la mer déchaîné qui m’ouvrait son cœur et plus ma mémoire s’enfuyait au loin , je retournais désormais a mes 15 ans .
Je me rappel ma vie d’avant , « vie » est bien un très gros mot pour décrire , ce que je vivais , chaque jour du matin au soir j’endurais les ordres des 3 épouses de mon père Leila , Samira , Habib , très traditionnelles, et conservatrices, elles ne comprenaient pas mes besoins d’adolescente , mes envies de rencontres , et ma volonté assourdissante de découverte elles même avaient leurs monde a part elles vivaient enfuies derrières les barreaux des fenêtres satisfaites de leur sorts, elles n’ étaient rien au yeux de mon père , son regard d’homme historique faisait baisser leurs yeux …C’est désolant de voir cette inégalité qui règne … Femme , pourquoi ne te révolte tu pas ? ! .. Femme arrache tes droits !, ou es tu le père de la nation ? ou es tu Bourguiba ? ou sont tes semblables, ?

Mes 16 ans m’ont emporté brusquement je refusais d’être une simple spectatrice de ma vie , la curiosité ,me rangeait .. mais des fois je pouvais assouvir cette envie , lorsque l’obscurité était tombé , je m’éclipsais .pour regagner le toit afin d’ admirer la lune sereine . Je me perdais dans le reflet de sa beauté sur l’eau Limpide de la méditerranéenne . Très vite je me suis rendu compte que moi et la lune nous étions pas seules , mes yeux rencontraient a chaque détour ceux du fils des voisins mon corps se couvrait de frisson a sa vu . La lune quant a elle lumineuse et claire reflétait leur couleur pale . Dans mes pensées égarées c’est lui que j’imaginais …
Mes petites escapades étaient devenues fréquentes , Nos regards se croisaient exprès cette fois , nos yeux se cherchaient dans le bleu de la nuit , des sourires étaient échangés , aucune parole n’a été prononcée , aucun son ne sortit de nos bouches nos yeux nous suffisaient pour communiquer .. les moments de silence s’allongeaient on pouvait se le permettre La lune veillait sur nous .
Mais j’étais incertaine , mon coeur se partageait , que Faire ? rester la fille de l’ombre, raisonnable et obéissante , et abandonner les belles sensations que nous offrent la vie ? ou lâcher prise et suivre ma passion brûlante ?

Ma décision était prise , j’ ai alors déterré mon encrier et je me suis lancée dans une suite de lettres que je lui envoyais régulièrement , je ne comptais plus les feuilles arrachées a mon bloc note , ni le nombre d’encriers finis , je ne me rappelle que de ma plume versant mes larmes et mes peine sur ce papier , les lettres que j’ai envoyé renferment ce que mon coeur murmure chaque jour , j’ai évoqué l’autorité exagérée de mon père son renfermement , , j’ai fait allusion a mes nuit passées , priant dieu de redonner vie a ma mère , morte depuis mon enfance , j’ai partagé ma haine contre cette mentalité qui nous prive nous femme de droits j’ai décrit les coups que je recevais , les insultes que j’encaissaient , les meurtres que j’ai vu devant moi , mon enfance infernale , .. Face a mon bouillonnement « lui » dont j’ignore encore le nom était Silencieux , aucune lettre en retour , aucun signe de vie , ce silence imparfait me préoccupait , au bout de quelques mois ce que je craignis le plus se passa , mon père découvrit la relation malsaine qui nous réunissait , selon lui ce que j’ai commis était impardonnable est ce que aimer est un crime ? , est ce que se confier a un homme est grave ? est ce que parler de ses sentiments et les dévoiler est impardonnable ? ces questions restent sans réponse .
J’ apprend dans sa fureur , que je me marierai que je le veuille ou non avec un de mes cousins , afin de m’éloigner de ce lieu qui n’a fait que me dégrader et me dévier du bon chemin , a ce stade me battre davantage ne servira rien , ma vie était réduite à néant , protester et le contredire serait une perte de temps
avant de reprendre une vie monotone , j’ai pris le temps de grimper une dernière fois les escaliers et rejoindre le toit pour faire mes adieux , a une lune qui m’a réconforté , par terre j’appercois une feuille pliée , ses quelques vers écrits résonnent encore a mes oreilles :

je n’ ai pas les mots pour exprimer la puissance de la douleur.
J’ai lu au fond de tes yeux ce que signifiait le mot « malheur ».
C’est un souvenir glacial, comme ce soir de décembre.
Où tes espoirs brûlants, ont laissé place à des cendres.
Je n’ai pas trouvé les mots pour expliquer l’inexplicable.
Je n’ai pas trouvé les mots pour consoler l’inconsolable.
Je n’ai pas les phrases miracles qui pourraient soulager ta peine.
Aucune formule magique, parmi ces mots qui saignent.
Je n’ai trouvé que ma présence pour t’aider à souffrir.
Et constater dans ce silence, que ta tristesse m’a fait grandir.
Je n’ai pas trouvé le remède pour réparer un cœur brisé.
Il faudra tellement de temps avant qu’il puisse cicatriser.
Tu as su rester debout, et je t’admire pour ton courage.
Tu avances la tête haute, et tu traverses cet orage.
A côté de ton épreuve, tout me semble dérisoire.
Tout comme ces mots qui pleuvent, que j’écris sans espoir.