Histoires vraies de Haute-Provence

Le faisan, par Jean-Pierre

25 octobre 2020

Temps de lecture : 2 minutes

J’ai travaillé pendant 40 ans à Cadarache et donc, j’ai fait pendant 40 ans, le trajet Cruis, Cadarache. Et, un matin de février, sous Limans, il y a une petite ligne droite et un faisan qui me passe devant. Il s’envole juste à 1 mètre de ma voiture, il tape dans mon pare-brise et dans le rétroviseur, je le vois au milieu de la route, comme ça. Ça m’avait un peu arraché le cœur, mais j’allais pas le laisser.

Le pont sur la Laye, à Mane.

Le temps de garer ma 204, je fais quelques pas. Quand, j’arrive à peu près à 5 m de lui, hop ! il prend son envol. Il traverse le champ vers la Laye. Il traverse la Laye où il y avait des peupliers le long, il tape dans un peuplier et il tombe au pied. J’ai dit : « Bon, maintenant il est tombé, je vais le chercher. » Donc, je traverse. Il y avait de l’herbe haute de 15 à 20 cm et puis, à un moment, une clôture avec des fils barbelés, trois fils barbelés. Bon, je cherche un piquet pour enjamber les fils barbelés. Je monte le long du piquet. Je saute de l’autre côté et je m’approche de la Laye et là, il y avait des amariniers, des amariniers, ce sont des genres d’osier. Et, dessous, je vois quelques vaches, qui étaient dessous, comme ça, tranquilles.

J’arrive au bord de la Laye et je dis : « Maintenant, il faut que j’aille jusqu’aux peupliers », c’était de l’autre côté. J’enlève mes chaussures. Je retrousse mes pantalons. L’eau était si claire que je croyais qu’y en avait peu. En fait, y’en avait un 1,20 m. Je suis rentré dans l’eau, en février, j’en ai eu jusqu’en haut des cuisses. Le temps de reprendre mon souffle, je vais au pied du peuplier. Manque de pot, le peuplier était à ras de la Laye. Il avait dû tomber dans l’eau et le faisan avait dû prendre le courant et il devait être déjà au barrage.

Je me dis que je vais faire demi-tour. Je reviens sur la berge, je prends mes chaussures. Je me dis que je ne vais pas les mettre de suite, parce que j’avais les pantalons mouillés, les pieds mouillés. Je garde mes chaussures à la main jusqu’à la voiture, sur la route.

Et, là je m’aperçois que sous les amariniers, il n’y avait pas qu’une vache, il y avait un taureau. Et le taureau a commencé à me courir après. Je l’ai dérangé, il a pas aimé. Alors, je voulais essayer de repasser, mais comme j’avais les chaussures à la main, je pouvais pas marcher sur le barbelé… Je courais, je courais, je courais et quand j’ai vu qu’il me rattrapait, j’ai sauté, quand même, dans l’herbe. Et là, quand je suis tombé de l’autre côté, j’ai vu sur la route une dizaine de voitures qui s’étaient arrêtées et qui me regardaient tous faire mes élucubrations. C’est comme ça que je suis arrivé à 10 heures et demie au boulot, dans un état abominable… et sans le faisan !

Jean-Pierre, histoire recueillie à Cruis.