La libellule

3 avril 2013

Temps de lecture : 3 minutes

Transcription en français de l’extrait audio en espagnol

En janvier 2010, j’ai pris la décision de partir au Venezuela. Une bourse couvrait les frais de l’année d’études. Alors, j’ai fait une demande, mais il fallait attendre juin pour connaître le verdict. En mars, je ne pouvais plus d’attendre, j’avais hâte de connaître le résultat.

L’affiche du film La sombra de la libélula

Un jour, toute seule à la maison, j’ai demandé, de toutes mes forces, un signe à l’univers. Ensuite, je suis partie de chez moi, j’ai pris le métro, et j’ai lu, debout, tranquille, comme tous les jours. Tout à coup, j’ai ressenti la nécessité de me tourner vers la gauche, où se trouvait assise une dame qui lisait. Elle portait un sac à main orné de deux libellules brodées. Je ne pouvais pas les quitter des yeux. Sans cesse, je devais regarder ces libellules, tourner la tête, les regarder. On aurait dit qu’elles voulaient me dire quelque chose, mais, sur le moment, ça m’échappait. Je suis arrivée à destination. J’ai réfléchi toute la journée aux libellules, à leur signification, au besoin de les regarder en permanence. Le soir, j’ai pensé à Apparitions, un film que j’aime beaucoup, intitulé, en espagnol, La sombra de la libélula. Ce film était ma seule référence sur les libellules. Je me suis connectée à Internet et, après quelques recherches, j’ai trouvé le synopsis, le lieu du tournage. J’ai appris qu’on l’avait tourné au pied du Salto Ángel, c’est-à-dire au Venezuela. J’ai bondi de joie car j’ai compris sur le champ que la bourse m’était destinée. Je partirais au Venezuela. Dès cet instant, j’ai su que je m’en irais la bourse en poche.

En juin, j’ai reçu le verdict : la réponse était favorable, j’avais obtenu la bourse qui m’amènerait au Venezuela. Durant l’année d’échange, de septembre 2010 à août 2011, j’ai voyagé au Salto Ángel pour le découvrir de mes propres yeux. Le jour de l’excursion, accompagnée de deux guides et d’un groupe de touristes, on a longé le fleuve pendant des heures en curiada, sorte de bateau indigène en bois. Tout près du Salto Angel, j’ai vu l’arrivée soudaine d’une flopée de libellules qui se posaient sur les mains et sur les épaules. J’ai alors réalisé que le signe du métro avait été authentique, les libellules signifiaient que je partirais au Venezuela.

Une soirée d’août, après l’année d’échange, de retour à Barcelone depuis deux semaines, il faisait chaud et j’ai ouvert la fenêtre. La douceur de Barcelone était encore là. L’appartement où j’habite se trouve près d’une rivière, mais il faut marcher une vingtaine de minutes pour y arriver. Je le précise pour vous montrer à quel point ce qui s’est passé est inhabituel. J’étais assise dans le salon et, tout à coup, une libellule entre par la fenêtre. J’habite au troisième étage, une libellule n’y monte pas facilement. J’ai été émue de la voir, j’ai pensé que cette libellule, arrivée à cet instant, alors que je venais de rentrer, venait me dire « oui, oui, tu devais partir au Venezuela, et j’étais ton signe ». C’était une confirmation. Plus tard, j’ai compris que dans la vie nous recevons un tas de signes ; parfois, il suffit de les demander et d’être attentif. Mais tout le monde n’éprouve pas ce besoin. On ne sait pas qu’on peut percevoir ce foisonnement de signes qui nous indiquent les chemins de la vie.

Voilà, à peu près, mon histoire.

Raquel Fortuna