L’aviateur qui faisait coucou à sa maman

5 février 2013

Temps de lecture : 3 minutes

Transcription en français de l’histoire audio en italien

L’aéroport de Castelvetrano en avril 1942, photographie prise par l’aviation australienne

Cette histoire a quelque chose d’incroyable. La personne qui me l’a racontée il y a longtemps m’a assuré qu’elle était vraie, et ça doit être le cas parce que le personnage dont je vais parler était le grand frère de mon père, un oncle que je n’ai pas connu et qui a fait la Seconde Guerre mondiale.

Il était lieutenant pilote de l’aviation italienne. Ses missions partaient de l’aéroport de Castelvetrano, qui n’existe plus aujourd’hui. Il était chef d’escadrille, ça veut dire qu’il y avait d’autres avions avec le sien et qu’il était le chef de cette escadrille d’avions. Ils partaient en mission en Afrique et ils cherchaient les Anglais pour bombarder leurs postes, notamment Malte et Tripoli.

Ce monsieur partait avec l’escadrille de mon oncle et puis, quand la mission et les bombardements étaient terminés, ils rentraient tous ensemble et revenaient à la base aérienne de Castelvetrano. Il m’a raconté que ce jeune homme, parce qu’au final c’était un jeune homme – aujourd’hui, à mon âge, je dis « mon oncle » quand j’en parle, mais il était jeune –, était assez casse-cou et avait l’habitude, pas toujours mais de temps en temps, de passer au-dessus de la maison de sa mère en rentrant à la base. Il arrivait de la mer, suivi par toute son escadrille d’avions, au niveau du front de mer de Mazara, et il survolait une rue perpendiculaire qui s’appelait, et elle a gardé le même nom, via Franco Maccagnone. Quand il passait au-dessus du balcon de sa maman, qui le voyait parce qu’il était à quarante ou cinquante mètres d’altitude, il lui lançait son sac de linge sale, et il lui criait : « Maman, je passe le chercher tout à l’heure ! »

Une rue de Mazara, en Sicile. Crédit : Angelo Romano

C’est une histoire qui m’a marqué parce qu’elle montre que ces hommes, tous très jeunes – mon oncle avait vingt-sept ans mais il y avait avec lui des hommes de vingt, vingt-deux ans –, même si c’étaient des pilotes qui venaient de bombarder, ils jouaient avec la mort, ils en blaguaient, parce que revenir d’un bombardement, laisser son linge sale et dire un mot à sa mère montre bien qu’en fin de compte, ils avaient un peu peur, et aussi qu’ils étaient attachés à leurs proches et à leur famille, et puis c’était aussi une façon de rassurer leur maman.

Malheureusement, il n’est jamais rentré d’une de ces missions parce qu’il a été abattu par la défense antiaérienne britannique de Tripoli et il a perdu la vie à l’âge de vingt-sept ans. Il avait une fonction de lieutenant, mais il avait déjà été promu capitaine et, quelques mois après, il devait donc devenir le capitaine d’un grand escadron. Il n’aurait plus commandé quelques avions, mais toute une formation d’avions.

Je pense que c’est une histoire qui fait réfléchir à plein de points de vue, mais à chacun de l’interpréter comme il veut. Au revoir !

Franco Sferlazzo, traduction par Meridiem