La chaîne d’Idir

11 avril 2012

Temps de lecture : 5 minutes

En 1957, Idir Akou avait 11 ans, orphelin de père, dont la famille habitait le vieux quartier des kassabines (vanniers) juste derrière la mosquée de Birkhadem (10 km au sud d’Alger). Issu d’une famille pauvre et très modeste, comme la majorité des familles Algériennes de l’époque.
Idir un garçonnet vif et dynamique, a été élevé dés ses premières années dans la famille Pérez, une famille d’origine espagnole, plus exactement de le la ville de Mahon. Les beaux parents du chef de famille détenaient une boulangerie prés de l’ancienne poste du village, nommée « boulangerie de la poste »ouverte en 1922. Située juste en face de sa demeure.
Idir passait plus de temps chez les Pérez que chez lui, il fut vite admis au sein de cette famille qui le considérait comme un des leurs.
Beatrice la maman Pérez ‘’Titis ‘’pour les intimes, aimait Idir, elle le chouchoutait et le dorlotait comme l’un de ses enfants .Souvent il l’accompagnait pour faire ses courses ou se chargeait lui même de cette tâche.
Idir tel un espiègle, et en bon débrouillard, savait tous sur les rouages des achats et connait parfaitement les magasins et les boutiques ou’ il devrait faire ses emplettes ; sans oublier que c’était un garçon qui se laissait pas faire et qui connaissait pas la peur. Il était capable d’affronter des gamins plus grands et plus âgés que lui.
Un jour en marchant dans la grande rue du 14 juillet, Idir trouva là jetait à ses pieds une très belle chaine en or avec son médaillon. Il la ramassa, et comme un garçon bien élevé et surtout naïf, au lieu de se rendre chez lui pour donner sa trouvaille à sa mère, il courut chez la mère Pérez et lui offrait l’objet précieux trouvé. Cette dernière étant une femme sensée, de principes et de bon cœur refusa le présent en priant le garçonnet de le remettre à sa mère. Idir insista pour que madame Pérez l’accepte en lui affirmant que c’est elle sa vraie mère et c’est chez elle qu’il passe la grande partie de son temps.
A contre cœur, et après insistance d’Idir, madame Pérez finit par accepter le bijou. Mais aussi avec un cœur rempli de joie qu’elle découvre la gentillesse et la bonté de cet innocent gamin. Elle ne s’attendait pas à un geste pareil, et surtout à une telle générosité de la part d’un môme indigène dont la famille aurait plus besoin de ce bijou .
Madame Pérez ce jour là découvrit à travers Idir que les Birkademois, malgré leur misère et pauvreté sont plus généreux que la générosité même.
Roger, l’un des fils Pérez qui travaillait comme maitre maçon amenait souvent avec lui Idir pour lui faire apprendre le métier et au même temps l’aider dans son travail.
Cinq ans après c’est l’indépendance du pays, et ce qu’il devait arriver arriva, la famille Pérez, comme beaucoup d’autres familles pieds noirs quitta l’Algérie pour la France, pays de naturalisation de tous les anciens habitants autres que les autochtones arrivés de différents pays d’Europe (Espagne, Italie, Allemagne, Malte, etc.) quelques années seulement après la prise d’Alger.
Entre Idir et la famille Pérez, ce fut la séparation déchirante, c’était avec des cœurs meurtris, et yeux remplis de larmes que les deux parties se sont quittées. Tandis que les Pérez se dirigèrent vers l’inconnu, Idir resta là dans sa ville natale, faisant les cents pas entre le quartier des vanniers et l’ex maison des Pérez pour remémorer les beaux jours passés chez cette famille.
Pour lui, si cette indépendance elle a fait reconquérir au pays ce qu’il a de plus cher : la liberté, lui avait pris aussi une chose de plus chère : sa deuxième famille.
Les années passèrent, et Idir devint un beau jeune homme, il fonda une famille. les souvenirs lointains de son enfance, lui revenaient souvent, avec cette belle image du passé, malgré la guerre, et la misère. Il y’avait eu des moments inoubliables, des moments magiques et magnétiques .Des souvenirs merveilleux, indélébiles qui le marquent à jamais.
Pour lui suffit au passé d’être le passé, le temps de son enfance et ignorance pour rester à jamais un vaste espace de joie et de gaieté, nonobstant qu’il soit rempli de malheurs et de privations.
Deux questions l’hantaient: que sont devenus les Pérez ? et est ce qu’un jour le destin qui les a séparés sera clément pour les réunir à nouveau ?
Arrive, la technologie du net qui est venu révolutionner le monde l’audiovisuel.
Marcel, le fils cadet des Pérez publia sur le site souvenance une lettre émouvante pleine de nostalgie sur sa ville natale et ses anciens habitants ou’ il demandait à ceux qui veulent le contacter de le faire via le site Birkadem. free qui est géré par son frère Roger.
Hamza ould Mohand le porte drapeau de la culture à Birkhadem et un passionné de l’histoire , président de l’association ‘’Défi’’ ; qui combat pour un épanouissement de sa ville ,ses seuls soucis :assurer à la ville un développement harmonieux , et combattre la médiocrité sur tous les volets ,tout en essayant de rendre à la ville un peu de son caché d’antan . Ses armes : une camera et un ordinateur. Fut ému par la lettre de Marcel, il rentra en contact avec ce dernier et avec son frère Roger .et c’est ainsi qu’une histoire d’amitié venue de n’aitre et qui s’est tissée au fil du temps entre Hamza et les Pérez.
Roger demanda à Hamza de lui chercher une ancienne connaissance. En 1962 à l’indépendance de l’Algérie il avait 16 ans, il s’appelle Idir, il a été élevé par ma mère, il habitait juste derrière la mosquée. La famille est partie vite sans avoir le temps de le prendre avec elle dans son exile vers l’inconnu. Après une petite investigation, la personne fut vite retrouvée. Et voila les retrouvailles via le téléphone et le net entre Idir et sa famille adoptive, malheureusement il manquait la mère Titis, rappelait à Dieu quelques temps auparavant.
Le temps passe vite ou lent, tout dépend dans quelle situation et état d’esprit on s’y retrouve. C’est le cas de ses retrouvailles, entre 2002 et 2007, Idir a vécu cinq ans de retour à un passé de son enfance, un passé enchanté qui était pour lui un vaste espace de beaux rêves.
Marcel dira un jour à hamza qu’il a un truc à remettre à Idir, une chaine en or , un cadeau de sa mère pour son mariage. il ajouta que sa mère en la lui remettant lui a dit « je t’offre ce que j’ai de plus cher, cette chaine m’a été offerte par Idir ,le petit garçon que j’avais élevé là ou’ j’habitais à Birkadem , donc fais en sorte de bien la conserver.»
Aujourd’hui, ajouta Marcel, que le temps est venu pour que cette chaine retrouve son vrai propriétaire.
Marcel, envoya la chaine du canada ou’ il vit à son frère Roger à Aix en Provence (Marseille), Slimane frère de Hamza, l’artiste peintre qui vit à Niort(France), récupéra le bijou de chez Roger, et lors de son passage à Birkadem en avril 2007, le remit à son frère hamza qui à son tour le remit à qui de droit.
Voilà après cinquante ans chez les Pérez, la chaine revient à celui qui la ramassée par terre durant la période coloniale.
Idir offrait la chaine à sa femme. qui la porte toujours autour de son cou, et qui restera peut être le cadeau le plus proche de son cœur parmi tous les cadeaux qu’il lui a offert son mari.
tôt le matin du 04 janvier, dans le bus un ami d’enfance (chouiter Smail) m’informa qu’Idir est mort hier suite à une forte crise d’asthme. Il avait laissé une veuve et 5 enfants.(Mehdi-Oussama-Imad-Imene et Khadija) .

Hamid Gheroufella – Texte / Text
Histoire écrite en français / Story written in French