Une femme exceptionnelle parmi d’autres…

24 mars 2012

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Son sourire, je n’arrive pas à l’oublier. Ce sourire, qu’elle garde même quand elle est triste pour ne pas m’inquiéter. Il faut dire que la vie ne l’a pas gâtée. Un père indifférent et une mère à la recherche de son propre bonheur. Elle vécut presque toute son adolescence avec une grand-mère dure et exigeante mais qu’elle chérissait plus que tout au monde. Quelques rides ont visité son visage mais elle est toujours belle à mes yeux, comme autrefois, lorsqu’elle avait 20 ans et une belle chevelure noire qui lui valait plusieurs admirateurs. A 20 ans, elle avait d’autres rêves. Elle rêvait de continuer ses études et devenir juge. Elle rêvait de conquérir le monde. Seulement, la vie lui a réservé un autre destin. Un destin qu’elle s’efforce d’accepter, de vivre en regardant le sourire se dessiner sur les lèvres d’un de ses cinq enfants. Elle rêvait de la famille qu’elle n’a jamais eue. Elle rêvait d’un foyer l’inondant d’amour et de tendresse. Les premières années de son mariage furent assez paisibles ; quelques nuages grincheux passaient de temps en temps mais c’était le cas de tous les couples. Le premier enfant est né, le deuxième, le troisième… Elle était comblée à chaque fois. Puis le quatrième et le cinquième. Elle a toujours voulu une famille nombreuse. Pour remplir ce vide qu’elle a enduré durant son enfance ? Probablement. Les nuages grandissaient petit à petit, pour devenir des tempêtes. Elle encaissait, pardonnait, oubliait … Elle voulait garder sa petite « tribu », la préserver et la voir grandir devant ses yeux. Elle se plaisait à dire que les tempêtes étaient éphémères, elle voulait surtout y croire. Et puis le temps passe, la distance se creuse davantage avec l’homme qu’elle a choisi pour « le meilleur et le pire » jusqu’à oublier qu’elle est une femme. Une femme désirable et aimée. Elle vit dorénavant pour ses enfants, elle ferme les yeux, boude sa féminité et se plie à leur bonheur. Elle se promet de rester forte pour eux, et ne laisse entrevoir aucun signe de tristesse, de désespoir mais au fond, elle ne demande qu’à être secourue. Secourue d’une vie qui lui a tourné le dos. Qui ne lui a pas offert un moment de répit après tout ce qu’elle vécu jusque là… Les années passent, et son silence devient de plus en plus lourd. Elle étouffe, elle veut respirer et sortir de cette prison qu’elle a construite de ses propres mains. Sa « petite » révolution fut exceptionnelle, à l’image de sa personne. Elle la fit l’année dernière, s’inspirant peut-être du « Printemps arabe »… qui sait ?
Après 20 ans de silence, elle le prononça : « Je veux le divorce ». Qu’importent les conséquences, les critiques, les implorations… cette fois elle a écouté son cœur de femme et a décidé de vivre enfin libre. J’ai détesté cette femme. Je la voyais égoïste, ne pensant qu’à son petit bonheur. Je l’ai méprisée des jours, fuyant son regard, évitant sa compagnie. C’était dur pour moi puisque je la considérai comme une copine, mais ma haine a pris le dessus. Un an. Cela m’a pris un an pour comprendre son acte, réaliser que ce qu’elle a fait n’était pas « égoïste ». A 50 ans, on peut toujours revivre une vie, se donner l’opportunité de rattraper le temps perdu. Une femme qui demande le divorce n’est pas une femme qui ne pense pas à ses enfants. C’est juste une femme qui ne veut pas leur mentir, jouer incessamment le rôle d’une « épouse comblée » devant eux.
Cette femme, c’est ma mère. Ma mère, que je pardonne aujourd’hui et à qui je demande pardon.

Sabrine A – Texte / Text
Histoire écrite en français / Story written in French